ZOOM SUR … HISTOIRE
1968-2018, 50 ans de films américains sur la guerre du Vietnam (1962-1975)
La guerre du Vietnam, tragédie de la Guerre Froide (1947-1991), a généré aux États-Unis une très importante production cinématographique pendant et longtemps après le conflit, mobilisant des acteurs et des réalisateurs de très grande envergure artistique, donnant naissance à une variété de sous-genres cinématographiques.
Le premier film de fiction américain sur la guerre du Vietnam est Les bérets verts, de Ray KELLOGG avec John WAYNE (1968), un film dont le caractère ouvertement propagandiste suscite le mépris général immédiatement, et ce même pendant le tournage. Il faudra dix ans pour que paraisse Go Tell the Spartans (1978) de Ted POST avec Burt LANCASTER dans le rôle du personnage principal. C’est sans doute le 1er film à donner une critique féroce de la guerre : le film raconte les premières années de la guerre du Vietnam et se veut une métaphore de ce que va être l’ensemble du conflit, un engrenage sans fin dans la débauche de moyens matériels, sans avoir rien appris ni de l’expérience des Français (1946-1954) ni de leurs alliés vietnamiens. Ted POST réalise la même année Le commando des Tigres noirs, avec Chuck NORRIS : sans prétention cinématographique et clairement politiquement marqué à droite, le film inaugure un sous-genre particulier des films sur la guerre du Vietnam, celui de la continuation occulte du conflit, un genre qui est promis à une riche postérité. La même année Michael CIMINO sort le chef-d’œuvre Voyage au bout de l’Enfer, avec Robert DE NIRO, Christopher WALKEN et Michelle PFEIFFER : le film retrace le naufrage d’un groupe d’amis d’une petite cité minière des États-Unis après leur engagement dans l’Armée et leur départ pour le Vietnam. Caractérisé par une violence psychique et physique inconnue alors, le film choque (Scène de la roulette russe dans les prisons Viet Minh) mais éclipse totalement Go Tell the Spartans et bien évidemment Le commando des Tigres noirs.
L’année suivante sort le mythique Apocalypse Now de Francis FORD COPPOLA (1979) avec Martin SHEEN et Marlon BRANDO : war opera démesuré, le film retrace la traque d’un officier supérieur en rupture de ban par un jeune officier des forces spéciales. Conçu comme un road trip en zone de guerre, le film dévoile une Amérique rendue folle par l’impossibilité de gagner la guerre sans perdre son âme et qui finit par perdre les deux.
En 1982, Ted KOTCHEFF innove avec Rambo, l’histoire d’un vétéran du Vietnam à la dérive et devenu un errant marginal (Incarné par Sylvester STALLONE), harcelé par une petite communauté, et qui décide de la détruire pour se venger. En 1983, Ted KOTCHEFF réalise également Retour vers l’enfer, avec Gene HACKMAN, Patrick SWAYZE et Michael DUDIKOFF : le film raconte l’histoire d’un militaire retraité qui décide de monter une armée privée pour aller récupérer son fils qui croupit dans une prison vietminh alors que la guerre est terminée depuis longtemps. Le film Rambo devient une franchise, celle des « Rambo », et donne naissance à quatre autres films : le second (Rambo II : la mission, de George PAN COSMATOS, 1984) exploite le filon du « retour au Vietnam pour sauver les prisonniers américains encore détenus par l’ignoble ennemi vietnamien ». On range également dans cette catégorie les films de la série « Portés disparus » avec Chuck NORRIS : le 1er Portés disparus (1984) de Joseph ZITO raconte les aventures du Colonel Braddock (Qui deviendra un personnage récurrent des films de Chuck NORRIS) reparti au Vietnam sauver des prisonniers américains encore détenus par le Vietminh en dépit de la fin des combats. En 1985 Portés disparus 2 de Lance HOOL avec Chuck NORRIS met en scène le Colonel Braddock pendant la guerre du Vietnam : interné et torturé dans un camp vietminh, le colonel Braddock parvient à s’échapper et à se venger. Dans Portés disparus 3 (1988) réalisé par le frère de Chuck NORRIS, Aaron NORRIS, Braddock repart au Vietnam chercher sa femme qu’il croyait décédée lors de la chute de Saïgon (1975) et qui est en réalité détenue par le Vietminh. De piètre qualité, le film est noyé par les œuvres majeures sur le Vietnam réalisées dans la deuxième moitié de la décennie (Platoon et Full Metal Jacket d’abord, Né un 4 juillet ensuite).
En 1986, Oliver STONE, lui-même ancien soldat au Vietnam, réalise Platoon, avec Charlie SHEEN, Willem DAFOE et Tom BERANGER : l’histoire raconte les tiraillements moraux d’un jeune engagé volontaire face à la conduite de deux sous-officiers d’exception, le sergent Elias à la conduite militaire empreinte de détermination mais aussi d’humilité, et le sergent-chef Barnes, plus charismatique mais qui se révèle un criminel de guerre. Stanley KUBRICK décide de filmer la guerre du Vietnam sans souci didactique ni message politique apparent : dans Full Metal Jacket (1987) il raconte l’histoire d’un groupe de conscrits destiné à partir au Vietnam. L’histoire suit « l’engagé Guignol », de son stage d’entraînement à la destruction de sa section pendant l’offensive de la fête du Têt en 1968 à Hué. La violence du propos tient dans le face à face direct entre le spectateur et la guerre, sans la médiation de voie off (Apocalypse Now), sans figure héroïque (Les bérets verts, Go Tell the Spartans), sans message social (Voyage au bout de l’Enfer, Rambo). Surtout, Full Metal Jacket marque la fin des grandes œuvres audacieuses et oniriques sur la guerre : désormais la majeure partie de la production cinématographique américaine sera consacrée à des adaptations d’autobiographies, plus ou moins romancées, d’anciens combattants. Une manie dont se moquera gentiment Ben STILLER dans Tonnerre sous les tropiques bien des années plus tard.
La même année (1987) paraît Good Morning, Vietnam, de Barry LEVINSON avec, entre autres, Robbin WILLIAMS et Forest WHITAKER (Déjà crédité dans Platoon) : le film retrace l’aventure d’un journaliste radio de l’US Army qui tente de soutenir le moral des soldats en violant les grands tabous sur la guerre et en essayant d’échapper à la censure. Le film au ton léger et centré sur la performance d’acteur de Robbin WILLIAMS reste un film mineur sur le conflit même s’il met l’accent sur les souffrances de la population vietnamienne présentée comme un peuple résistant et non plus seulement comme un ennemi. La même année sort Hamburger Hill de John IRVIN (1987) : c’est le récit « ancienne manière » d’une sanglante bataille. L’originalité vient du sujet : la guerre du Vietnam étant habituellement filmée comme une guerre de jungle, ici le réalisateur choisit une bataille de grand style et reprend pour ce faire les codes habituels du cinéma américain pour les films de guerre et en particuliers les codes hérités des films sur la Seconde Guerre mondiale. Si le sujet est original, le film reste une œuvre de 2ème ordre : il a le mérite cependant de montrer le désarroi des soldats, écartelés entre leur sens du devoir, la cruauté de la guerre, leur marginalisation en Amérique par une jeunesse hostile à la guerre et la stupidité des ordres des États-majors. En 1988 sort Air Force Bat 21, de Peter MARKLE avec Danny GLOVER et Gene HACKMAN : le film retrace le sauvetage du Lieutenant-colonel Hambleton, spécialiste du brouillage électronique, tombé avec son avion en zone Viêt-Cong. L’originalité du récit repose sur le code, emprunté au golfe, qu’utilisent les sauveteurs pour tirer le rescapé des griffes ennemies.
En 1989, John MILIUS réalise Le vol de l’Intruder avec Danny GLOVER et Willem DAFOE, deux habitués des films sur la guerre du Vietnam, et Rosanna ARQUETTE. Sans doute le 1er film sur la guerre du Vietnam à faire la part belle à un rôle féminin, le film raconte la guerre du côté des pilotes de la Navy chargés de bombarder le Nord Vietnam. Même si le ton est franchement peu politique, le film de MILIUS permet d’intercaler la fiction avec la grande histoire et notamment la reprise des bombardements américains du Nord Vietnam par le président NIXON (Opération Linebacker II). Le film est cependant éclipsé par Oliver STONE qui poursuit son œuvre quasi autobiographique et réalise (1989) Né un 4 juillet, avec Tom CRUISE dans le rôle principal, accompagné de Willem DAFOE et Tom BERENGER (Qui se partageaient l’affiche de Platoon) et Tom SIZEMORE (Qui jouait déjà avec Willem DAFOE dans Le vol de l’Intruder). Le film retrace la vie brisée par le conflit de Ron KOVIC, revenu paraplégique de la guerre du Vietnam et qui entame une douloureuse et longue remise en question des valeurs de la guerre et de l’Amérique conservatrice qui l’a mené. En 1993 Oliver STONE réalise son 3ème film consacré à la guerre du Vietnam : Entre Ciel et Terre, avec Tommy LEE JONES (qui joue le rôle du sergent Butler) et Hiep THI LE. Comme nombre de films sur la guerre du Vietnam il s’agit de l’adaptation d’une œuvre autobiographique, celle de Le Ly HAYSLIP, épouse d’un vétéran. Le film s’attache à décrire un peuple déchiré entre les violences du Vietminh et du Viêt Cong d’un côté et celle des troupes américaines et sud-vietnamiennes de l’autre. C’est dans cet esprit que Brian DE PALMA réalise en 1989 Outrages (Casualities of War), avec Michael J. FOX et Sean PENN : le film n’a rien de révolutionnaire, ni dans le montage ni dans le jeu des acteurs, mais il montre frontalement l’armée américaine commettant des crimes de guerres et s’acharnant à les couvrir. Robert ZEMECKIS (1994) réalise Forrest Gump, avec Tom HANCKS dans le rôle titre. Si l’objet du film n’est pas spécifiquement la guerre du Vietnam, le héros voit sa vie d’autiste déficient mental définitivement changée par la guerre : il y perd son seul ami, devient à son retour un héros, et son ancien lieutenant devenu paraplégique l’aide à devenir millionnaire. Forrest traverse avec naïveté le second vingtième siècle américain et toutes ses crises traumatiques, à la recherche de son seul amour, Jennifer (Robin WRIGHT).
Après l’avalanche d’œuvres cinématographiques déclenchée en 1978 (En moyenne un film américain consacré chaque année au Vietnam depuis Go Tell The Spartans), la production américaine marque le pas. Il faut attendre 2002 pour qu’un film à gros budget soit consacré à la guerre du Vietnam : c’est le très médiocre We Were Soldiers de Randall WALLACE, avec Mel GIBSON dans le rôle principal, encore une adaptation assez laborieuse d’un récit autobiographique. Si le film n’a aucune qualité artistique, il a le mérite de montrer les difficultés de l’armée américaine à anticiper la guerre dans laquelle elle s’engage, une incapacité qui va entraîner la mort de centaines d’hommes dès le début du conflit. Le film traite des premières années de la guerre (1964-1965) et raconte la mise en place de la guerre héliportée qui sera l’une des grandes caractéristiques de la guerre du Vietnam. Ben STILLER (2008) vient heureusement sauver le genre par une habile mise en abyme : avec Tonnerre sous les tropiques qu’il réalise et dans lequel il partage l’affiche avec Nick NOLTE et Robert DOWNEY Jr., Il raconte l’histoire d’un groupe d’acteurs lâchés par erreur en plein triangle d’or thaïlandais mais destinés initialement à effectuer un stage en pleine nature pour se confronter aux duretés de la jungle et mieux jouer leur rôle de soldats engagés dans la guerre du Vietnam. Ben STILLER se moque ouvertement des films (Platoon, Full Metal Jacket) ayant demandé de la part des acteurs de suivre des semaines de conditionnement militaire et qui se vantaient ensuite d’avoir connu des conditions de tournage très dures.
© Erwan BERTHO (2018)
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