Tale – HISTOIRE (12), Les débuts d’un nouvel ordre international : 1944-1947, un monde nouveau ?
De la conférence de Bretton Woods (1944) au début de la « Guerre froide » (1947), un nouvel ordre géopolitique se met en place caractérisé par la rivalité entre l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et les États-Unis. Les institutions internationales, nées pendant le conflit, incarnent-elles le multilatéralisme ?
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Si la « Guerre froide » commence officiellement avec la désignation des deux superpuissances comme ennemies déclarées lors de la proclamation des doctrines TRUMAN (Mars 1947) et JDANOV (Octobre 1947), les tensions entre les États-Unis et l’URSS se sont accrues depuis 1945. L’Armée rouge a largement outrepassé les zones qu’elle devait conquérir sur le IIIe Reich, étendant d’autant la zone d’influence soviétique. Seule la Grèce tombe dans l’escarcelle de la Grande-Bretagne qui finance une sanglante répression contre les communistes (Guerre civile grecque, 1946-1948). En Hongrie et en Tchécoslovaquie des gouvernements d’union nationale cachent l’avancée des communistes téléguidés depuis Moscou (Kominform). En Roumanie, Bulgarie, Albanie et Yougoslavie, des élections truquées portent au pouvoir des partis communistes qui installent des dictatures prosoviétiques. En Pologne et en Allemagne, l’Armée Rouge suspend le fonctionnement normal de l’État et organise une répression massive et féroce contre les socialistes et les centristes : les camps de concentrations nazis sont réutilisés pour la répression politique. En Turquie, en Grèce, en Espagne et au Portugal des régimes fascistes ou nationalistes autoritaires proaméricains constituent un bloc méridional censé bloquer l’expansion communiste vers la Méditerranée. Les grandes conférences à visée militaire (Yalta en 1944, Potsdam en 1945) établissent de facto un condominium américano-soviétique sur le monde.
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Les grandes conférences de la Seconde Guerre mondiale ne sont pas toutes à visée strictement militaire. La Charte de l’Atlantique (1941) pose comme buts de guerre la défense de la démocratie et la destruction des régimes totalitaires. La conférence de Bretton Woods (1944) permet la création de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) et du Fonds Monétaire International (FMI) dont le rôle est de stabiliser le système monétaire à l’échelle de la planète et de permettre la diffusion de l’économie libérale dans le monde. La conférence de Dumbarton Oaks (1944) et de San Francisco (1945) voient émerger l’ONU. Le monde nouveau, multilatéral, sera aussi capitaliste et pro-américain : les conférences politiques chargées de réfléchir à l’architecture du « monde d’après » s’y tiennent, les sièges du FMI, de la Banque mondiale et de l’ONU y sont situés aussi. Les États-Unis financent généreusement mais aussi contrôlent les nouvelles institutions : leurs voix sont prépondérantes dans les institutions économiques (FMI, BIRD, FAO) et sociales (UNESCO, UNRRA). C’est d’ailleurs cette prépondérance américaine sur un ensemble disparate et construit de manière chaotique durant la Seconde Guerre mondiale qui donne une impression de « système des Nations Unies ». L’économie mondiale, fondée sur le système du gold exchange standard est en réalité un système d’étalon dollar, la valeur des monnaies étant déterminée par rapport au dollar, lui-même convertible en or.
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Faut-il pour autant parler d’un monde nouveau ? Dans une certaine mesure la Guerre froide, guerre idéologique entre l’URSS collectiviste et les États-Unis n’est pas le produit de la Seconde Guerre mondiale (1937-1945) mais bien le fruit des recompositions géopolitiques de l’après-guerre. Le monde en 1947 est dominé par une oligarchie de puissances mondiales comme en témoigne le fonctionnement de l’ONU sous la coupe des membres permanents du Conseil de Sécurité disposant d’un droit de veto, c’est-à-dire du droit de bloquer l’action de tous les autres. Le « système des Nations Unies » n’est qu’une façade : nombre d’organisations sont indépendantes : l’UNESCO créé en 1942 à la conférence des ministres de l’éducation, la FAO créé lors de la conférence de Hot Springs (1943), l’UNRRA pour l’aide aux réfugiés (Novembre 1943), la BIRD, (ancêtre de la Banque mondiale) et le Fonds Monétaire International (FMI) créé lors de la conférence de Bretton Woods (1944). L’Assemblée générale de l’ONU ne peut émettre à l’encontre de ces institutions que des « recommandations », signe de leur complète indépendance. L’ONU hérite par ailleurs d’institutions anciennes de la SDN (Organisation Mondiale du Travail, OMT) et voit perdurer des institutions multilatérales plus anciennes (Banque des Règlements Internationaux, BRI) qui effritent son envergure. La question des mandats (Territoires des empires vaincus de 1918 colonisés par la France, la Grande-Bretagne et l’Afrique du Sud) et des colonies et protectorats se pose : les logiques de la Guerre froide vont court-circuiter les dynamiques onusiennes de construction d’un monde nouveau.
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Le monde de 1947 est un monde nouveau essentiellement parce que la rivalité qui oppose l’URSS et les États-Unis est un produit de l’impérialisme relativement neuf de ces deux superpuissances. Pour le reste, l’ONU n’est que la vitrine d’un monde toujours dominé par un club restreint de puissances, encore sourd aux espoirs d’indépendance des peuples colonisés.
© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2020)
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