Archives par mot-clé : indépendances

1994, Ahmadou KOUROUMA, En attendant le vote des bêtes sauvages.

« Con de tirailleur raté. »

  « […] Ce matin-là, vous avez examiné dix litiges et les avez bien instruits et jugés à la satisfaction de tous. Comme tous les matins -sauf les dimanches- après la grande prière œcuménique, vous avez partagé votre café, vos croissants chauds avec les ministres, les fonctionnaires, les plaignants et leurs accompagnateurs Continuer la lecture de 1994, Ahmadou KOUROUMA, En attendant le vote des bêtes sauvages.

ANTHOLOGIE – 1966, Ousmane SEMBENE, Le mandat. « Un mandat de combien? »

« Un mandat de combien ? »

 LE MANDAT

 La sueur collait sa chemise à la peau ; avec peine le facteur poussait son solex dans le sable ; il transpirait, sa figure brillait, le buste en avant, les mains solidement posées sur le guidon, ahanant légèrement la bouche ouverte, il gravissait le mamelon de sable tout en maudissant les habitants et les autorités : « Qu’est-ce qu’on attend pour asphalter cette rue ? » pensait-il. Continuer la lecture de ANTHOLOGIE – 1966, Ousmane SEMBENE, Le mandat. « Un mandat de combien? »

ANTHOLOGIE – 1960, Ousmane SEMBENE, Les bouts de bois de Dieu. « Ce temps enfantait aussi d’autres femmes. »

« Ce temps enfantait aussi d’autres femmes. »

« […] Ainsi la grève s’installa à Thiès. Une grève illimitée qui, pour beaucoup, tout au long de la ligne, fut une occasion de souffrir, mais, pour beaucoup aussi, une occasion de réfléchir. Lorsque la fumée[1] s’arrêta de flotter sur la savane, ils comprirent qu’un temps était révolu, le temps dont leur parlaient les anciens, le temps où l’Afrique était un potager. C’était la machine qui maintenant régnait sur leur pays. En arrêtant sa marche sur plus de quinze cents kilomètres, ils prirent conscience de leur force, mais aussi conscience de leur dépendance. En vérité, la machine était en train de faire d’eux des hommes nouveaux. Elle ne leur appartenait pas, c’était eux qui lui appartenaient. En s’arrêtant elle leur donna cette leçon.

Des jours et des nuits passèrent. Il n’y avait pas de nouvelles, sinon celles qu’apportaient chaque heure dans chaque foyer et c’étaient toujours les mêmes : les provisions étaient épuisées, les économies mangées, il n’y avait plus d’argent sous le toit. On allait demander crédit, mais que disait le commerçant ? Il disait : « Vous me devez déjà tant et moi je n’aurai même pas de quoi faire ma prochaine échéance. Pourquoi ne suivez-vous pas les conseils qu’on vous donne ? Pourquoi ne reprenez-vous pas ? »

Alors on utilisa encore un peu la machine : on apporta chez le prêteur les vélomoteurs et les vélos, les montres ; puis ce fut le tour des boubous de valeur, ceux qu’on ne mettait qu’aux grandes occasions, et des bijoux. La faim s’installa ; hommes, femmes, enfants, commencèrent à maigrir. Mais on tenait bon. On multipliait les meetings, les dirigeants redoublaient d’activité et chacun jurait de ne pas céder.

Des jours passèrent et des nuits passèrent. Et voici qu’à la surprise générale, on vit circuler des trains. Les locomotives étaient conduites par des mécaniciens venus d’Europe, des soldats et des marins se transformaient en chef de gare et en hommes d’équipe. Devant les gares, les esplanades devinrent des places fortes, entourées de barbelées derrière lesquels des sentinelles montaient la garde nuit et jour. Ce fut alors au tour de la peur de s’installer. Chez les grévistes, une peur informulée, un étonnement craintif devant cette force qu’ils avaient mise en branle et dont ils ne savaient encore s’il fallait la nourrir d’espoir ou de résignation. Chez les Blancs, la hantise du nombre. Comment, petite minorité, se sentir en sûreté au milieu de cette masse sombre ? […]

Des jours passèrent et des nuits passèrent. Dans ce pays, les hommes ont plusieurs épouses et c’est sans doute pour cela qu’au début ils ne songèrent guère à l’aide qu’elles apportaient. Mais bientôt, là encore, ils découvrirent un aspect nouveau des temps à venir. Lorsqu’un homme rentrait d’un meeting, la tête basse, les poches vides, ce qu’il voyait d’abord c’était la cuisine éteinte, les mortiers culbutés, les bols et les calebasses empilées, vides. […] Et les épouses, devant ces épaules cassées, ces pas traînants, prenaient conscience que quelque chose était en train de changer aussi pour elles.

[…]

Les jours étaient tristes et les nuits étaient tristes. Le miaulement du chat vous faisait frémir.

Un matin, une femme se leva, elle serra fortement son pagne autour de sa taille et dit :

– Aujourd’hui, je vous apporterai à manger.

Et les hommes comprirent que ce temps, s’il enfantait d’autres hommes, enfantait aussi d’autres femmes. . […] »

 SEMBÈNE (Ousmane), Les bouts de bois de Dieu. Banty Mam Yall. , 1960, Paris, aux éditions Le livre contemporain, réédité en 1971 aux éditions Press Pocket n°871, 379 pages, partie du récit intitulée « Thiès. », chapitre « Maïmouna », pages 62 et suivantes.

ISBN 2-266-10631-7

[1] Il s’agit ici de la fumée des cheminées des locomotives à vapeur.

ANTHOLOGIES – Les grands textes politiques – De Gaulle « Le discours de Brazzaville », 1944

Si l’on voulait juger des entreprises de notre temps suivant les errements anciens, on pourrait s’étonner que le Gouvernement français ait décidé de réunir cette Conférence africaine.

 « Attendez ! » nous conseillerait, sans doute, la fausse prudence d’autrefois. « La guerre n’est pas à son terme. Encore moins peut-on savoir ce que sera demain la paix. La France, d’ailleurs, n’a-t-elle pas, hélas ! des soucis plus immédiats que l’avenir de ses territoires d’outre-mer ? » Continuer la lecture de ANTHOLOGIES – Les grands textes politiques – De Gaulle « Le discours de Brazzaville », 1944

ANTHOLOGIE – 1948, Aimé CESAIRE, Discours sur le colonialisme. « Le colonisation décivilise le civilisateur. »

« La colonisation décivilise le civilisateur. »

 « […] « […] Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Continuer la lecture de ANTHOLOGIE – 1948, Aimé CESAIRE, Discours sur le colonialisme. « Le colonisation décivilise le civilisateur. »