Littérature et société
« Le départ: voyage(s), exil, migration(s) »
Extrait de Faire l’aventure, Fabienne KANOR
« […] La dernière fois que j’ai mis les pieds à Las Palmas, c’était pour assister à un enterrement. On était une dizaine dans le cimetière. Des copains, un imam et les représentants d’une association qui défend les droits des migrants. Normalement, quand quelqu’un décède chez nous, on fait sa toilette pour le purifier et l’imam récite la Prière des Morts. Tout le monde prie devant le cercueil ouvert pour rendre hommage au défunt et à sa famille. Mais cette fois-là, c’était différent. Personne ne parlait parce que personne ne connaissait les noms des deux gars qui étaient morts. En me promenant dans le cimetière, j’ai remarqué que certaines tombes étaient nues. Pas de nom, pas de Always in our memory, pas de Tu familia. Absolument rien dessus. Ce jour-là, j’ai su que c’était là-dedans qu’on fourrait les cadavres des aventuriers lorsqu’on ignorait comment ils s’appelaient. Cette histoire-là, personne ne la connaît au Sénégal. Là-bas, quand un jeune qui a pris la pirogue disparaît, on dit qu’il a atterri au Brésil ou au Cap-Vert. Même les mamans, elles croient ça, et dès que le téléphone sonne et que ça grésille, elles pensent que c’est leur fils qui appelle et qu’il est loin. Les gens de chez moi rêvent beaucoup. On nous a toujours appris que si Dieu a créé l’homme pour vingt jours, c’est pour vingt jours seulement. Mais quand même, quitter son pays en héros et mourir comme un chien, ce n’est pas un destin. […] »
KANOR (Fabienne), Faire l’aventure, 2014 : JC Lattès, 2014. – 363 p.
Notice biographique de Fabienne Kanor
Née à Orléans, le 07/08/1970
Nationalité française
Biographie :
Après ses études, Kanor a pris un emploi dans une entreprise de communications. A cette époque, elle a écrit son premier roman, resté inédit. Elle a ensuite travaillé en tant que journaliste. Ces rôles lui ont permis de se concentrer sur la fiction, et également à développer une carrière de cinéaste. Entre 2001 et 2003, elle a dirigé une série de documentaires sur les femmes noires.
Kanor a vécu pendant deux ans à Saint-Louis, au Sénégal, au cours des quelles elle a écrit et publié son roman D’eaux douces. En 2004, son deuxième roman, Humus, apparu après son séjour au Bénin. Ce livre a été inspiré par une anecdote dans le journal de bord d’un capitaine d’un navire d’esclaves en 1774, qui a rapporté que quatorze femmes sautées dans la mer plutôt que de procéder à l’esclavage.
En 2008, Kanor a collaboré avec Emmanuelle Bidou sur Janbé DLO: Une histoire d’antillaise, un documentaire qui a tracé les trois étapes de l’émigration des Caraïbes à la France du point de vue des familles.En 2014, le livre de Kanor faire l’aventure a été salué comme un livre rare.
Questions :
1) Ou se déroule l’histoire ?
2) Quel est la religion de la narratrice ? Relevez les éléments qui le prouvent
3) Qui sont les aventuriers ? Comment sont-ils caractérisés ?
4) Expliquez la dernière phrase du texte. Qu’est-ce que l’auteur cherche à montrer ?
Sélection des œuvres et étude critique © Ag Boula Lesli & Serushago Jonathan (2015)