FICHES DE LECTURE – NGOZI ADICHIE, « L’autre moitié du soleil » (2006)

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Chimamanda NGOZI ADICHIE, L’autre moitié du soleil, Nigeria, 2006

FICHE TECHNIQUE

NGOZI ADICHIE (Chimamanda), L’autre moitié du soleil. , 2006, aux éditions Gallimard collection « Nouvelle Revue Française, Nrf », 2008, traduit de l’Anglais (Nigeria) par Mona de PRACONTAL, 500 pages.

ISBN978-2-07-077610-8

Disponible au Centre Culturel Franco-Nigérien (CCFN) « Jean Rouch » de Niamey sous la cote RE-NGO

L’AUTEUR

Chimamanda NGOZI ADCHIE est une des meilleures plumes africaines. Chacun de ses romans a été couronné par des prix prestigieux : le Commonwealth Writers’ Prize en 2005, le Orange Prize for Fiction en 2007 et le Prix de la fondation MacArthur (Crédité d’un demi million de dollars) décerné pour l’ensemble de son œuvre en 2007. Chimamanda NGOZI ADICHIE née en 1977 a 36 ans.

LE LIVRE

Le livre raconte cinq destins brisés par la guerre du Biafra qui eut lieu au Nigeria à la fin des années soixante et qui fut marquée par une des pires famines de guerre du XXe siècle. Il y a d’abord Ugwe, narrateur et témoin. Jeune garçon de la brousse envoyé par sa famille pour devenir le domestique de Master, Odenigbo, professeur d’Université. La chronique des années de jeunesse, d’enfance puis d’adolescence, d’Ugwe permet à Chimamanda Ngozi Adichie de brosser un tableau tendre de la société universitaire bourgeoise avant la guerre.

À Nsukka, dans le Sud-Ouest du Nigeria, les années soixante sont celle d’une fantastique effervescence culturelle et politique. C’est l’apogée du panafricanisme en Afrique prônée par Kwame N’Krumah au Ghana, les États-Unis s’engagent dans la lutte pour les droits civiques menée par le pasteur Martin Luther King, c’est partout ailleurs l’affirmation du tiers-mondisme. Odenigbo est professeur d’université et réunit chaque semaine ses amis universitaires pour des discussions enflammées où l’on refait le monde. L’heure est à l’indépendance. Tout est possible.

C’est aussi à Nsukka que se retrouve Richard, journaliste anglais fasciné par la culture nigériane, qui essaye de devenir écrivain mais se sent surtout à l’étroit dans le cercle blanc et raciste des derniers colons anglais.

Olanna, belle et rebelle fiancée d’Odenigbo, rentre de Londres, où elle achevé ses études universitaires, et vient prendre son poste d’enseignante à l’université de Nsukka. Fille d’un riche homme d’affaire ibo elle rompt avec son milieu de la haute bourgeoisie nigériane pour épouser Odenigbo, et vivre avec lui le rêve d’une Afrique émancipée et libre.

Autant Olanna est lumineuse, autant sa sœur Kainene est sombre, ironique et sarcastique : destinée à prendre la succession des affaires familiales, elle observe avec détachement et un peu de mépris ces universitaires rêveurs et phraseurs. D’une manière improbable elle tombe amoureuse de Richard, son exact opposé, tant de couleur de peau que de tempérament.

Ugwe découvre avec incrédulité un monde d’Africains émancipés, cultivés et libres qui s’opposent au pouvoir blanc.

La terrible guerre du Biafra (1967-1970), qui entraîne 2 millions d’Ibos dans la famine et la mort, et laisse 1 million de combattants morts supplémentaires, va mettre à l’épreuve les sentiments et les idéaux de ces cinq victimes de l’histoire contemporaine de l’Afrique. Chacun s’y perdra. Tous n’y survivront pas.

L’EXTRAIT

« Le panafricanisme est essentiellement un concept européen. »

« […] « Nous devrions vraiment apporter une réponse panafricaine plus vigoureuse à ce qui se passe dans le sud des États-Unis. »

Master lui coupa la parole.

« Tu sais, le panafricanisme est essentiellement un concept européen.

– Tu t’écartes du sujet, dit le professeur Ezeka, qui secoua la tête de la façon supérieure qui lui était coutumière.

– C’est peut-être effectivement un concept européen, dit Mlle Adebayo, il n’empêche que si l’on considère la question dans une perspective plus large, nous appartenons tous à une seule race.

– Quelle perspective plus large ? demanda Master. La perspective plus large de l’homme blanc ! Ne vois-tu pas que nous ne sommes pas tous pareils, sauf aux yeux des Blancs ? »

Master élevait facilement la voix, avait remarqué Ugwu, et à partir de son troisième cognac il commençait à agiter son verre et se pencher en avant, de plus en plus, pour finir perché au bord de son fauteuil. Tard dans la nuit, une fois Master couché, Ugwu s’asseyait dans le même fauteuil et s’imaginait lui aussi en train de parler en anglais, avec un débit rapide, devant des invités imaginaires captivés, en employant des mots tels que décoloniser et panafricain, modelant sa voix sur celle de Master, et il gigotait dans le fauteuil jusqu’à finir lui aussi perché au bord du siège.

« Bien sûr que nous sommes tous pareils, nous avons tous en commun l’oppression blanche, répliqua Mlle Adebayo d’un ton sec. Le panafricanisme est tout simplement la réponse la plus sensée.

– Bien sûr, bien sûr, mais ce que je veux dire, c’est que la seule véritable identité authentique, pour l’Africain, c’est la tribu, dit Master. Je suis nigérian parce que l’homme blanc a créé le Nigeria et m’a donné cette identité. Je suis noir parce que l’homme blanc a construit la notion de noir pour la rendre plus différente possible de son blanc. Mais j’étais ibo avant l’arrivée de l’homme blanc. »

Le professeur Ezeka, ses jambes maigres croisées, renifla en secouant la tête.

« Mais c’est à cause de l’homme blanc que tu as pris conscience d’être ibo. L’idée même de pan-ibo ne s’est formée qu’en réaction à la domination blanche. Il faut comprendre que la tribu telle qu’elle existe aujourd’hui est un produit colonial au même titre que la nation et la race. » Le professeur Ezeka décroisa et recroisa ses jambes.

« L’idée de pan-ibo existait bien avant l’homme blanc ! » cria Master. « Demande donc aux anciens de ton village de te parler de ton histoire.

– Le problème, c’est qu’Odenigbo est un tribaliste incorrigible, nous devons le faire taire », dit Mlle Adebayo.

Alors elle eut un geste qui sidéra Ugwu : elle se leva en riant, se dirigea vers Master et lui ferma les lèvres entre ses doigts. Elle resta là un temps qui parut très long, sa main sur la bouche de Master. Ugwu imagina la salive mêlée de cognac de Master au contact de ses doigts. […]

À partir de ce moment, Mlle Adebayo devint une menace. […] »

NGOZI ADICHIE (2006), pages 34 et 35.

4 NGOZI ADICHIE L’autre moitié du soleil (2006)

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