COMPOSITION
Dynamiques géographiques des grandes aires continentales : l’Amérique, puissance du Nord, affirmation du Sud. (2/2)
États-Unis – Brésil : rôle mondial, dynamiques territoriales.
Vous montrerez quelles dynamiques géographiques organisent le territoire des États-Unis et de Brésil et permettent de comprendre l’affirmation de leur rôle mondial ?
Deux géants géophysiques, de la taille d’un sous continent, à l’économie diversifiée et dynamiques, aux ambitions impériales affichées et en rivalités géopolitiques constante depuis près d’un quart de siècle : une situation explosive mais qui correspond aujourd’hui, alors que la multipolarisation du monde s’accentue, aussi bien à l’Union Européenne (UE) face à la Russie, l’Inde face à la Chine, l’Afrique du Sud face au Nigeria, ou aux États-Unis d’Amérique face au Brésil. Même si le Brésil, un des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et South Africa) ainsi que l’Organisation des Nations Unies (ONU) nomme les puissances émergentes, n’a pas une puissance mondiale comparable à celle des États-Unis, première puissance mondiale, il en partage des caractéristiques et des comportements communs.
Comment se manifeste le rôle mondial respectif des États-Unis et du Brésil et quelles dynamiques géographiques animent leurs territoires et témoignent de leur rôle directeur dans la mondialisation des économies et des cultures ?
Le Brésil et les États-Unis sont deux puissances, et ce à différentes échelles aussi bien dans le domaine économique que dans le domaine géopolitique (I.) et leurs territoires littoralisés et métropolisés témoignent de leur forte insertion dans la mondialisation (II.). La deuxième partie de cette composition sera constituée d’un chorème légendé et succinctement commenté.
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Sans confondre ni les niveaux ni les échelles de puissance des États-Unis, première puissance de la planète, et ceux du Brésil, qui reste une puissance régionale d’ambition mondiale, les deux États partagent des caractéristiques communes : leurs économies diversifiées font d’eux des puissances économiques (1) qui leur permettent en retour d’exercer une très forte influence géopolitique (2).
Les deux États sont d’abord des puissances économiques, quoique de prime abord à des échelles différentes : cependant le récent rachat de l’Américain Kraft Food, géant mondial des Industries Agroalimentaires (IAA), par le fonds d’investissement brésilien « 3G Capital » montre l’affirmation des entreprises du géant latino-américain. Le Brésil et les États-Unis sont deux puissances financières. Les États-Unis s’imposent dans ce domaine : 1ère puissance économique mondiale, avec un Produit Intérieur Brut (PIB) de plus de 15 000 milliards de dollars (US$), 1er récepteurs et émetteurs d’Investissements Directs Étrangers (IDE) de la planète, leurs places boursières se sont hissées au rang de hubs financiers mondiaux : Le New York Stock Exchange (NYSE) situé dans le quartier de Wall Street à New York assure 12 000 milliards de dollars de transactions financières chaque jour, le NASDAQ assure les achats et les ventes des entreprises des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) comme l’application d’échange de photos par Smartphone Snapchat valorisée à 20 milliards de dollars (Avril 2015). Les indicateurs américains comme le Standard and Poor 500 (S&P 500) qui analyse la valeur des 500 premières entreprises cotées dans le NYSE, l’indice Dow Jones des valeurs industrielles, servent de référence pour l’ensemble des marchés financiers de la planète. Le Chicago Board of Trade (BofT) qui assure essentiellement le trading des produits agricoles sert d’indicateur de valeurs pour les marchés de l’agroalimentaire dans le monde entier : on y assure la détermination des prix du café, du soja ou du coton par exemple. Le Brésil ne peut prétendre à un tel rôle de leader sur les marchés financiers. 6e PIB mondial (2 500 milliards de dollars) devant le Royaume Uni, 29e émetteur mondial d’IDE il en est cependant le 3e récepteur (13e en 2001, 10e en 2011) avec près de 70 milliards de dollars d’investissements reçus en 2013. Importateur net d’IDE à l’échelle mondiale, le Brésil témoigne ainsi de la grande dépendance de son économie à l’égard des marchés mondiaux de capitaux, toujours très volatiles, mais témoigne aussi de la forte attractivité de son économie. Si la principale place boursière du Brésil (La BOVESPA de São Paulo) n’est qu’au 48e rang des places boursières mondiales, le dynamisme financier du Brésil est incontestable à l’échelle régionale : les Firmes Transnationales (FTN) brésiliennes ont investi près de 20% de l’économie bolivienne par exemple. D’ailleurs, les plus puissantes FTN brésiliennes sont souvent des firmes financières : c’est le cas de BANCO DO BRASIL (72 milliards US$ de CA, 116e FTN mondiale) et BANCO BRADESCO (56 milliards de US$ de CA, 168e FTN mondiale). Les deux pays sont aussi des géants commerciaux, parfois sur des segments semblables du marché. Les États-Unis sont, derrière la République Populaire de Chine (RPC), les 2e exportateurs mondiaux : ils dominent le secteur agricole (1ers exportateurs mondiaux de Soja, de maïs, de Bovins), aéronautique (Avec la FTN Boeing, en concurrence cependant avec l’européenne Airbus et justement la brésilienne Embraer, Empressa Brasileira de Aeronáutica), de l’innovation (Avec notamment Apple et ses Smartphones comme l’iPhone icônes du secteur). Un tiers des 100 premières FTN mondiales et 100 des 500 premières sont américaines. Le Brésil semble plus modeste mais à l’échelle des pays latino-américains son commerce est impressionnant : 22e exportateur mondial, 2e producteur de soja (36% des exportations mondiales), 8 de ses FTN sont parmi les 500 premières mondiales dont PETROBRAS (25e mondiale), sa firme pétrolière, avec 144 milliards de dollars de Chiffre d’Affaire (CA) ou VALE dans le domaine de l’extraction minière (Avec 50 milliards de dollars de CA).
Le Brésil et les États-Unis sont également deux puissances géopolitiques majeures, chacune à leur échelle de prédilection (Régionale pour le Brésil, mondiale pour les États-Unis) même si l’engagement du Brésil dans le financement du 9e volume de l’Histoire générale de l’Afrique (Consacré aux diasporas africaines et à l’Afrique contemporaine) de l’UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization) lui montre des velléités impériales plus vastes qu’auparavant. Dans le même ordre d’idées, le rapprochement entre les États-Unis et Cuba de Raoul CASTRO témoigne de la volonté américaine de reprendre pied en Amérique même, après un demi-siècle de déboires au Proche et au Moyen Orient. La puissance militaire des États-Unis (50% du budget mondial de défense avec près de 2 milliards de dollars dépensés chaque jour) est incomparable : leurs flottes de guerre dotées de porte-avions leurs permettent d’intervenir sur tous les théâtres d’opération, du Sahel aux montagnes d’Afghanistan. La capacité de projection des forces américaines se double d’une puissante flotte de Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins balistiques (SNLE), parapluie nucléaire inégalé. Leurs alliances militaires, comme l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Europe, renforce leur puissance militaire propre. Le complexe militaro-industriel assure aux États-Unis une avance décisive dans la définition de la guerre elle-même : les drones par exemple (Plus de 600 au dessus du Proche et du Moyen Orient) permettent aux États-Unis de frapper leurs ennemis désignés aussi bien en Irak (où ils interviennent officiellement contre l’État Islamique en Irak et au Levant, EIIL) qu’au Yémen ou au Pakistan dans les zones tribales comme le Waziristan (Où ils n’interviennent pas officiellement). Le Brésil possède une armée bien plus modeste : la présidente Dilma ROUSSEF a engagé un important programme de modernisation de l’armée brésilienne avec le lancement de la construction de sous-marins qui participeront à la sécurisation des espaces maritimes pétroliers du Brésil. Ses forces armées sont présentes dans bien des missions de la paix de l’ONU, dont celle très difficile en Haïti, mission dont le Brésil a le commandement. C’est sur le plan diplomatique que l’affirmation du Brésil est la plus nette : membre des BRICS, le Brésil joue la carte de la solidarité Sud-Sud en renforçant sa coopération technique avec les pays africains lusophones (Mozambique, Angola, Guinée-Bissau, Cap-Vert, Timor-Leste) et avec l’Inde et l’Afrique du Sud (Partenariat IBAS, Inde, Brésil, Afrique du Sud). Il est devenu également un membre influent de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) n’hésitant pas à poursuivre devant les juridictions d’arbitrage les pays comme la France et les États-Unis, soupçonnés de subventionner leurs agricultures. Au même moment les États-Unis connaissent une nette baisse de leur influence diplomatique. En effet, les deux organismes de Washington, hérités des accords de Bretton Woods, le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale (World Bank Group, dont la filiale SFI, Société Financière Internationale) sont accusés de favoriser les Pays Anciennement Industrialisés (PAI) sont doublés par la Banque Asiatique d’Investissements pour les Infrastructures (BAII) créée par la RPC. Cependant, les États-Unis restent le global player, le joueur central sans qui rien ne se fait : s’ils ont perdu leurs prétentions hégémoniques, ils sont loin du déclin perpétuellement annoncés pour eux depuis les années quatre-vingt quand le Japon les concurrençait : les universités américaines (Harvard, Yale, Princeton, Columbia, University of California, Los Angeles, UCLA…) restent les plus attractives du monde.
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La deuxième partie consacrée aux dynamiques territoriales du Brésil et des États-Unis est constituée d’une représentation chorématique, idéal type de l’organisation d’un territoire, d’une puissance américaine (Cf., Annexes 1 & 2). Le territoire du Brésil et celui des États-Unis sont structurés par des dynamiques très semblables : littoralisation et métropolisation, diversification d’une économie productrice de matières premières minières et agricoles comme d’avions sophistiqués, mais concentrée sur les littoraux les plus métropolisés, existence enfin d’espaces réserves, gages d’expansion future.
Le chorème met en valeur les dynamiques communes aux territoires brésiliens et américains, pour ce faire, le territoire idéal-typique représenté peut-être aussi bien celui des États-Unis que du Brésil. Les deux territoires sont structurés par un réseau urbain dominé par des métropoles puissantes à toutes les échelles, regroupées en conurbations qui les hissent au rang de mégalopoles. Ces métropoles de rang régional, continental et mondial sont des maillons de l’Archipel Mégalopolitain Mondial (AMM) et participent au dynamisme d’économies diversifiées (De l’extraction des matières premières à la commercialisation de produits manufacturés industriels de haute technologie) connectées au Reste Du Monde (RDM) par des infrastructures de communication denses et nombreuses. Les deux territoires disposent d’espaces réserves qui assurent aux deux pays des marges d’expansion de leur puissance. Ouvert sur le RDM, ces deux territoires sont très attractifs : les flux démographiques irriguent préférentiellement les régions industrialisées et métropolisées des littoraux, qu’ils viennent de l’étranger ou des autres espaces du territoire national. Pour ces raisons, on observe de grandes inégalités spatiales : les espaces enclavés et les régions industrielles en crises sont répulsives et reçoivent peu d’Investissements Directs Étrangers (IDE).
La représentation spatiale ne montre cependant pas les graves atteintes environnementales et sociétales causés par une activité économique débridée et largement libérale. L’exploitation des huiles et des gaz de schiste aux États-Unis, la déforestation de la région de l’Amazonie et la destruction des sols qui s’ensuit, l’érosion dramatique des sols dans le Middle West américain, l’exploitation pétrolière brésilienne des grands fonds marins et celle des compagnies américaines en Alaska sont autant de destructions potentielles et de destructions avérées de l’environnement et de la biodiversité. Les hommes sont les premières victimes cependant de cette croissance libérale commune aux deux États : dans les régions du Nord des États-Unis où l’exploitation des huiles de schiste est la plus intensive les eaux polluées par la fracturation hydrauliques sont impropres à la consommation. Au Brésil le désespoir des Indiens dont l’habitat naturel est détruit par l’avancée du front pionnier agricole les pousse à des actions de plus en plus violentes et de plus en plus violemment réprimées. Difficilement cartographiable et pourtant bien réelle, la déliquescence des villes géantes de plus en plus ségrégées, où les pauvres, métis ou descendants de la traite atlantique et de la déportation des Africains en Amérique, sont victimes de polices agressives et militarisées. Les meurtres d’Africains-Américains aux États-Unis, la mise au pas des favelas brésiliennes par des forces paramilitaires montrent que si les territoires sont ségrégés, les classes sociales le sont de plus en plus.
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Le Brésil et les États-Unis, bien que de rangs mondiaux très inégaux, partagent une même vision de leur destin continental, marqué par une indiscutable ambition hégémonique, et de leur rôle mondial, au sein d’un concert de puissance, anciennes ou nouvelles. Si le rôle mondial du Brésil s’affirme, celui des États-Unis ne faiblit pas. En revanche, tout entier occupés à leur rivalité régionale et continentale, les deux États doivent aussi affronter des défis communs : disparités sociales aggravées de phénomènes de ségrégations raciales, violences urbaines, atteintes graves à l’environnement, et émergence partout de compétiteurs tenaces : l’Inde, la Chine, l’Indonésie, l’Afrique du Sud, et l’Arabie saoudite dont le poids pétroliers peut enrayer la croissance de ses deux producteurs de pétrole que sont le Brésil et les États-Unis.
© Erwan BERTHO (Avril 2015, 2017, 2018, révision 2019)
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SOURCES :
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