Sujet 1 – Réponse rédigée et argumentée à une question problématique.
Comment la montée en puissance des métropoles se manifeste-t-elle à toutes les échelles ?
Depuis le début du XXIe siècle, plus de la moitié de la population mondiale vit en ville : 55% des hommes sont des urbains, et 80% des 80 000 milliards du PIB mondial sont réalisés en ville. Certaines sont devenues mythiques comme New York, hypercentre de la globalisation. Ce sont des villes mondiales.
Saskia SASSEN, dans The Global Citiy : New York, London, Tokyo (Princeton, 1991) proposait une approche à la fois géographique et à la fois économique pour définir le poids et le rôle de ces villes mondiales : ces têtes de réseau de l’Archipel Mégalopolitain Mondial (AMM, DOLLFUS, 1996) concentraient et se spécialisaient dans les services à haute valeur ajoutée destinés aux Firmes Transnationales (FMN). Le secteur quaternaire constitué, par exemple, des services fiscaux, financiers ou scientifiques destinés à soutenir la croissance des plus puissantes entreprises du monde explique cette vitalité. D’autres villes exercent des fonctions de commandement à des échelles plus restreintes : ce sont les métropoles qui structurent par leur poids et leur puissance les territoires et les espaces dont elles sont les centres.
Incontestablement, les métropoles, quelque soit l’échelle de leur influence (Mondiale, continentale, macro-régionale, nationale ou régionale) sont montée en puissance : comment cette puissance se manifeste ?
Les métropoles constituent les centres de réseaux urbains inégaux mais qui sont, tous, les lieux privilégiés de la création de richesses : elles concentrent les hommes et les activités, et se caractérisent par leurs fonctions de commandement (I) mais elles sont inégales en puissance, en influence et en taille et se concurrencent (II).
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Les métropoles dominent un monde urbanisé (1) : elles se caractérisent par la polarisation qu’elles exercent sur l’espace qui les entoure (2), polarisation qui s’explique par leurs fonctions de commandement à plusieurs échelles (3).
Le monde depuis le début du XXIe siècle (2010) est un monde essentiellement urbain : 55% des hommes vivent en ville. Le phénomène est évidemment contrasté en fonction des niveaux de complexité des économies : les pays en développement (PED) aux économies tournées vers la production agricole, l’extraction des matières premières et l’exportation de produits peu transformés sont encore ruraux. Le Niger est encore à 75% un pays rural (38% des Africains sont des citadins) quand en France, Pays Anciennement Industrialisé (PAI), 98% des hommes habitent les villes ou les espaces périurbains. Mais le phénomène de concentration des hommes et des activités en ville est ancien et mondial : 10% des hommes vivaient en ville en 1900, ce qui faisait 250 millions de citadins, ils sont 4 milliards aujourd’hui, la population urbaine a été multipliée par 16 en 100 ans. La croissance de la population urbaine est de 2,6% / an, mais en tenant compte de sa quasi stagnation dans les pays riches, la croissance des urbains est très forte dans les pays émergents. On comptait 2 villes de plus de 10 millions d’habitants en 1960, elles sont 31 aujourd’hui : à Londres et Tokyo se sont ajoutées Delhi (30 millions d’habitants), Shanghai (25 millions) ou Le Caire (21 millions), toutes métropoles du Sud ou d’anciens du Sud devenus riches (Chine continentale).
Les métropoles polarisent les espaces qui les entourent en fonction de l’échelle de leur rayonnement. Les flux témoignent de cette attractivité : migrants, étudiants, marchandises, touristes, informations circulant sur l’Internet… Les métropoles sont dévoreuses d’énergies, de capitaux mais aussi d’hommes : en France on a longtemps parlé de Paris et le désert français (Jean-François GRAVIER, 1947) et des politiques (DATAR) ont tenté de disperser les pouvoirs et les compétences vers les périphéries (« Les métropoles d’équilibre »). La macrocéphalie est un phénomène fréquent : Athènes, Madrid, Paris, mais aussi Mexico, Le Caire aspirent l’énergie et la créativité des autres territoires. Le phénomène touche aussi des pays anciennement industrialisés comme le Japon : Tokyo est en solde démographique positif, depuis la 21ème année consécutive, tandis que la population du pays décline. La mégalopole japonaise voit ses capitales économiques (Nagoya, Osaka) et politiques (Kyoto) historiques décliner. La macrocéphalie touche moins les régions au semi urbain plus dense mais constitué de villes d’envergure modeste : les villes de l’Europe rhénane sont rarement millionnaires mais la mégalopole européenne est dynamique. De même dans la mégalopole américaine où les villes sont nombreuses mais ne dépassent guère les 5 millions d’habitants, excepté New York, 8 millions d’habitants pour la ville, 17 pour l’aire urbaine.
Le dynamisme des métropoles est d’abord dû à leur concentration de pouvoirs mais surtout à la diversité de leurs fonctions et la diversité de leur population. C’est l’effet vertueux des « rencontres aléatoires » qui voient le jeune créateur avoir plus de chance de rencontrer un avocat-conseil et un investisseur dans une métropole que dans une ville de second rang. Les métropoles sont d’abord des villes qui concentrent les fonctions de commandement économique (New York, Los Angeles, Dubaï, Istanbul). Les infrastructures de transports (Zone Industrialo-portuaires, ZIP, hub aéroportuaires, plateformes multimodales) connectent les métropoles à l’AMM. La bande passante Internet est une bonne manière de mesurer la connexion des métropoles au Reste Du Monde (RDM). Les métropoles génèrent 80% du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial. Tokyo avec un Produit Urbain Brut (PUB) de 1 500 milliards de dollars (US$, 2018) produit chaque année plus de richesses que l’Australie. Les Central Business District (CBD) sont emblématiques de cette puissance économique : Manhattan (New York), Pudong (Shanghai), Shinjuku (Tokyo) ou encore La Défense (Paris, 1er quartier d’affaires européen) témoignent de la richesse des villes mondiales. Le pouvoir culturel (Universités comme Harvard, l’université Jiao Tong de Shanghai, musées comme Le Louvre, le MoMA de New York…) est créateur des richesses futures. Les institutions internationales (ONU à New York, UNESCO à Paris, UA à Addis Abeba) parachèvent la puissance des métropoles en faisant d’elles des centres décisionnels politiques aux échelles de rayonnement qui dépassent le cadre national.
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Les métropoles sont cependant inégales en puissance et en influence : certaines dominent l’AMM dont elles sont les têtes de réseau (1) ce sont les villes mondiales, parfois iconiques. D’autres polarisent un espace macro-régional mais sont en concurrence forte les unes les autres (2) tandis que certaines semblent en déclin (3).
Les villes mondiales, qui concentrent les fonctions d’informations rares (Comme l’information financière des agences de notation comme Standard and Poor’s) à destination des Firmes Transnationales (FMN), sont les têtes de réseau de l’Archipel Mégalopolitain Mondial (AMM, DOLLFUS, 1996) : « […] L’archipel mégalopolitain mondial (AMM), formé […] de villes qui contribuent à la direction du monde […] » (Olivier DOLLFUS, La mondialisation, 1996). Ces « […] grappes de villes mondiales […] » concentrent « […] entre elles l’essentiel du trafic aérien et des flux de télécommunication […]. 90 % des opérations financières s’y décident et 80 % des connaissances scientifiques s’y élaborent […]. ». Olivier DOLLFUS parle de « Ces « îles » de l’AMM […] » comme les régions motrices de rayonnement mondial. New York, hypercentre, l’illustre. Wall Street capitalise 22 000 milliards de dollars, soit un ¼ du PIB mondial, les autres places boursières (Shanghai et Tokyo, 3 fois moins puissantes) ou Frankfort et Londres (8 fois moins) sont distancées : New York devient le pôle le plus attractif pour les investissements et la principale dispensatrice de crédit pour les entreprises… La ville mondiale est génératrice d’inégalités : le revenu moyen à New York est inférieur au revenu moyen aux États-Unis, la ville la plus riche du pays demandant une masse importante de travailleurs, pauvres, précaires, marginalisés mais indispensables pour entretenir des infrastructures et fournir des services dans une ville « qui ne dort jamais » (MINNELLI 1977, SINATRA 1979, New York, New York).
Les métropoles ne sont pas toutes des villes mondiales. Certaines exercent un rayonnement plus limité ou sont émergentes. C’est le cas de Johannesburg en Afrique du Sud, de Lagos au Nigeria, de Mumbai en Inde. Johannesburg (La capitale économique du pays) constitue une métropole de 4,5 millions d’habitants (La 3ième ville la plus peuplée d’Afrique loin derrière Le Caire, 7ième rang mondial, ou Lagos), et avec Pretoria une aire urbaine de 12 millions d’habitants, l’une des trente aires urbaines les plus peuplées du monde. Elle abrite la cour constitutionnelle, la bourse d’Afrique du Sud et a accueilli des manifestations internationales (Sommet de la Terre, 2002, Coupe du Monde de Football, 2010). Son township de SOWETO a été un des hauts lieux de la lutte contre l’Apartheid et le lieu de résidence de deux prix Nobel (Desmond TUTU, Nelson MANDELA). Les entreprises diamantifères et minières étendent leur influence en Zambie, au Zimbabwe et dans le Sud de la République Démocratique du Congo (RDC). Le rand est la monnaie des échanges en Afrique australe grâce au dynamisme économique de Johannesburg. L’Afrique, qui regroupe les 2/3 des Pays les Moins Avancés (PMA), et n’est urbanisée qu’à 38% (Le taux le plus faible au monde) n’est dispose pas moins de métropoles puissantes dont la disposition sur les littoraux témoigne d’une forte extraversion des économies : Lagos, Le Caire, mais aussi Casablanca, 4ième ville la plus attractive du continent (PricewatherhouseCoopers, PWC, 2019). Ces métropoles aspirent toutes à devenir la capitale continentale : les métropoles, en réseau, sont aussi en forte concurrence et certaines en pâtissent.
Les Shrinking cities, les villes qui rétrécissent, ne sont pas un phénomène récent : la réunification allemande (1990) a entraîné le déclin de centres économiques et intellectuels historiques comme Leipzig (Saxe, ex-RDA) ou Wittenberg (Saxe-Anhalt), la ville de Martin LUTHER… Mais Détroit illustre le déclin d’une ville du pays le plus riche de la planète. La crise économique des subprimes (2008) a entraîné le départ du tiers de sa population depuis 2010. Les friches industrielles se sont multipliées. Mais le déclin est bien antérieur à la crise : les fermetures d’usines ont commencé dès les années cinquante, entraînant une progressive disparition des classes moyennes et supérieures blanches au profit de populations pauvres. Depuis les années 1970’ la population de Détroit a été divisée par deux. La banlieue elle n’a pas souffert de la crise, représentant l’essentiel (85%) des 5 millions d’habitants de l’aire urbaine. Le déclin de Détroit est essentiellement dû à son incapacité de se réinventer pour faire face à la concurrence des villes littorales tournées vers le quaternaire comme San Francisco, Los Angeles et Le Boswash (Axe Boston – Washington). La concurrence entre métropoles entraîne en quelque sorte un super-métropolisation, conférant aux plus puissantes d’entre elles une attractivité qui entraîne le déclin des autres.
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La montée en puissance des métropoles se caractérise par la forte polarisation qu’elles exercent à toutes les échelles : concentrant voire monopolisant les activités prestigieuses et à forte valeur ajoutée elles sont les lieux privilégiés de la création des richesses. Mais elles sont en concurrence forte entre elles, ce qui peut entraîner le déclin des moins innovantes.
© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2019)
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Articles complémentaires :
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