JOUR 3 : Travail sur le manuel de Géographie : « Repenser le développement : le développement durable. »
Intérêt et limites d’une nouvelle approche du développement : le développement durable, social et solidaire. TEXTE N°5 page 137 et informations page 136.
Consigne : Répondez aux questions n°1 à n°4 page 137. Essayez d’avoir une perspective critique sans opposer développement et développement durable.
Question n°1 page 137 : Qu’est-ce que le développement « durable » ?
Le ralentissement de la croissance au début des années soixante-dix et la multiplication des scandales environnementaux permettent la diffusion de nouveaux modèles théoriques de développement autour de la notion de croissance maîtrisée, voire de décroissance ou de croissance zéro (Club de Rome, Rapport Meadows 1972, Rapport de la commission mondiale sur l’environnement et le développement, ONU, présidée par BRUNDTLAND, 1987). Une définition consensuelle du développement est proposée par l’ONU, c’est le concept de « développement durable » : le développement durable admet l’utilisation des ressources naturelles si cette utilisation n’interdit pas aux générations futures de satisfaire leurs besoins fondamentaux faute de ressources naturelles. Le développement durable propose une gestion de l’environnement plus qu’une protection de l’environnement.
Traditionnellement, on identifie trois piliers dans le développement durable : une croissance économique mais maîtrisée c’est-à-dire qui ne génère pas de pollution de masse ou de long terme, une juste répartition des richesses produites, et une gestion de l’environnement qui permette la préservation de la biodiversité. Progressivement, au fur et à mesure que les opinions internationales prenaient conscience du détournement de l’aide publique internationale au profit des bourgeoisies de service et des kelptocrates des pays du Sud, la « bonne gouvernance » devient le quatrième pilier du développement durable. Même si ce concept reste flou dans les faits et s’apparente souvent à un maquillage démocratique de pratiques dictatoriales (Népotisme, corruption généralisée, fraudes lors des élections dans le cas des régimes « illibéraux »), la bonne gouvernance impose une certaine transparence dans la gestion des fonds publics, et les poursuites pour « bien mal acquis » tendent à se multiplier contre les familles de dictateurs trop vite enrichis.
Aujourd’hui, la notion de développement durable s’est imposée dans les politiques publiques internationales : comment comprendre le succès de ce concept ?
Question n°2 page 137 : Pourquoi ce modèle s’est progressivement imposé ?
Le modèle de développement durable s’est progressivement imposé parce qu’il concilie les impératifs du développement tel que les institutions financières internationales, l’ONU et les opinions publiques chacune de leur côté les conçoivent.
L’Organisation des Nations Unies (ONU) a rapidement compris que la protection de l’environnement était une demande forte des opinions publiques au Nord comme au Sud. De ce fait, le concept de développement durable est un formidable liant pour bâtir une citoyenneté mondiale, transnationale et transpartisane. En faisant la promotion du développement durable, en mettant en place des groupes d’experts sur le climat comme le GIEC, en parrainant les rencontres internationales sur le climat ou en les organisant, l’ONU est revenue au centre du jeu géopolitique international sur le sujet en tenant un discours qui touche directement les sociétés civiles par delà les États.
Les institutions financières internationales comme le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale ont vu dans la promotion du développement durable la possibilité d’atteindre simultanément deux objectifs a priori contradictoires. D’une part, le développement durable permet aux institutions financières internationales d’avoir une vue plus transparente sur le fonctionnement des États bénéficiaires de l’Aide Publique au Développement (APD) : le contrôle de l’environnement c’est aussi le contrôle des appareils de surveillance des ressources naturelles, le contrôle sur le respect des droits individuels, le contrôle sur le fonctionnement des services de sécurité en général… Les impératifs de bonne gouvernance permettent à la fois de lutter contre la corruption, et de promouvoir le libéralisme économique au nom de la saine gestion des deniers publics. D’autre part, les institutions financières internationales sont sorties de la période 1990-2010 avec une image extrêmement détériorée : l’échec de la transition économique et politique dans les anciens pays socialistes du bloc de l’Est en Europe, l’échec des plans d’austérité promus dans les années 1980 en Amérique centrale et en Afrique, l’échec du libéralisme à tous crins, manifeste avec la crise des subprimes et de dettes souveraines (2008-2009), ont terni l’image d’expertise de ces institutions. Leur ralliement au développement durable, après cinquante ans de promotion du développement industriel forcené et des économies de rente, leur a redonné un message pour légitimer leur action, alors que manifestement leur action avait été désastreuse auparavant. Paradoxalement, elles sont sorties renforcées de leur adoption du développement durable, nouveau mantra des Organisations Intergouvernementales (OIG).
Pour les opinions publiques, lassées de l’échec répété des politiques publiques de développement, l’adhésion au credo du développement durable a aussi coïncidé avec les nouvelles orientations des aides au développement qui passent de plus en plus par des ONG dans les pays du Sud en faisant l’impasse d’un stage dans les comptes publics nationaux. Les ONG locales, récipiendaires de l’aide, étant naïvement perçues comme moins corrompues que les administrations publiques des pays du Sud. Pour les opinions publiques des pays du Sud, le développement durable a permis aussi de faire valoir les droits des populations autochtones, qu’elles soient encore rurales (En faisant des paysans traditionnels les gardiens de l’environnement) ou citadines par le biais de la « bonne gouvernance » qui a érigé les « sociétés civiles » au rang d’interlocuteurs obligés, quelque soit la réalité que le terme de « société civile » puisse recouvrir.
En dépit de conceptions différentes de ce que doit-être le développement « durable », et en dépit de l’existence d’agendas différents selon les acteurs qui en font la promotion, on ne peut que se réjouir de voir s’établir un consensus sur la notion de développement qui fasse la part belle à la redistribution des richesses, à l’usage raisonné de la nature et à la transparence politique. Dans ce sens, le développement durable rompt évidemment avec toutes les conceptions passées de ce que devait être le développement.
Question n°3 page 137 : Quelles critiques sont adressées aux politiques d’aide au développement ?
Selon Jean-Louis CHALÉARD et Thierry SANJUAN, les auteurs de Géographie du développement. Territoires et mondialisation dans les Suds (Armand Colin, Paris, 2017), les institutions internationales engagées dans l’Aide Publique au Développement (APD) sont suspectées « […] [d’] imposer des modes de gouvernance et des politiques économiques forgées au Nord et appliquées sans discussion avec les populations locales, et sans que leurs intérêts soient toujours pris en compte. […] » (Lignes 11 à 14). Ces reproches datent essentiellement de la fin des années quatre-vingt dix quand il est devenu manifeste que les Plans d’Ajustement Structurel (PAS) imposés aux pays du Tiers-Monde très endettés avaient été des échecs. Les États du Tiers-Monde très endettés et souvent en situation de cessation de paiement avaient été contraints au milieu des années quatre-vingt de libéraliser les économies, donc de vendre leurs participations dans des entreprises nationales et de réduire le coût de la fonction publique donc de sacrifier les secteurs de la santé et de la scolarité, sous peine de ne pas être éligibles aux prêts des institutions financières internationales. La politique d’austérité (Les PAS) avait entraîné une crise économique qui avait été concomitante avec les efforts de démocratisation, ce qui a, par la suite, entraîné dans les opinions publiques de nombreux pays du Sud une assimilation de la démocratie avec le marasme économique : en conséquence, les pays du Tiers-Monde se sont trouvés en échec à la fois dans la transition démocratique et dans la transition économique.
Incontestablement, les différents organismes qui interviennent dans le financement des politiques publiques des pays en développement, que ce soit les OIG pour l’aide multilatérale, les ONG et les agences de développement dans le cas de l’aide bilatérale, sont porteuses d’une conception spécifique du développement et de ses modalités, conceptions qui sont rarement élaborées en concertation avec les populations locales. Cette critique rejoint deux concepts de sciences politiques plus anciens ; celle du « néocolonialisme », d’abord, développée par Kwame NKRUMAH, un des pères fondateurs du panafricanisme, qui dénonçait l’emprise des anciennes métropoles sur leurs anciennes colonies par l’entremise de la dette et des APD. Elle rejoint celle d’Antonio GRAMSCI, et son concept de « néo-hégémonie », qui dénonçait les idéologies qui inculquaient aux gens le sentiment que leur situation de subordination et de soumission était dans l’ordre naturel des choses.
Mais cette critique, qui fait des pays du Nord des vecteurs d’une acculturation délétère, omet de préciser que, dès les indépendances, les intelligentsias locales se sont emparées de la question du développement, sans tenir aucun compte des désidératas des « populations locales » : les projets d’infrastructure, les choix vers des cultures de rente destinées à l’exportation ou au contraire d’une industrialisation autocentrée (Inde) ou des stratégies de développement et de diversification de l’économie par la substitution des importations (Corée du Sud, Taïwan, RPC) ont été décidés d’en haut. Les « populations locales », si cette expression a un sens, n’ont bien sûr jamais été consultées par les élites, qu’elles soient nationales ou internationales, la frontière entre les deux n’étant d’ailleurs pas aussi nette qu’on voudrait le faire croire. De nombreuses élites internationales (Les experts internationaux de l’ONU, du FMI ou de la Banque mondiale) étant originaires des pays du Sud, qui en retour reviennent « au pays » parées de l’aura de ces institutions et entament alors de brillantes carrières politiques nationales où elles font la promotion des politiques de ces institutions : les carrières de Johnson Searlif, d’Alpha CONDÉ ou d’Alassane OUATARA en sont les illustrations parfaites.
Dès lors, l’idée que se façonneraient au Nord des politiques décidées hors sol paraît dédouaner les élites locales, qui sont, elles, pourtant, au contraire, associées étroitement à la détermination et à la définition de ces politiques de développement ; ne serait-ce que parce qu’une partie significative de ces élites hantent les OIG continentales ou internationales, et mettent en œuvre des politiques de développement libérales enseignées dans les écoles de commerce et de management dont elles sont issues et qui sont bien souvent anglo-saxonnes, pour ne pas dire américaines. On peut penser à l’Université de Harvard aux États-Unis, dont le programme de management sert de modèle aux programmes de formations des dirigeants … Chinois ! Quand l’échec de ces politiques libérales est patent, il est de bon ton d’accuser l’Occident d’avoir pratiqué un impérialisme idéologique et d’aveuglement, mais c’est largement un mensonge que l’on sert aux dites « populations locales » : car ces échecs des différentes politiques de développement ont très souvent servis les intérêts économiques et financiers des élites nationales qui les ont mises en œuvre… Le naufrage bancaire du Liban dont le système financier n’était en réalité qu’une pyramide de PONZI a considérablement enrichi les élites politiques de toutes confessions, qui sont aujourd’hui de nouveau au pouvoir.
Ce reproche sert donc surtout des agendas politiques intérieurs au Nord comme au Sud, et paraît même, en deuxième lecture, particulièrement infâmant pour les populations locales des pays du Tiers-Monde : comment accepter, en effet, l’idée que le mieux-être, traduction concrète de ce qu’est le développement, puisse être autre chose que l’envie de vivre en bonne santé, d’avoir des enfants instruits, capables d’une réelle ascension sociale, et de vivre dans un pays où les libertés fondamentales sont garanties ? Le mieux-être n’est évidemment pas une notion dont l’Occident serait l’inventeur et qui porterait sa marque : c’est une notion universelle, dont les termes de « développement » ou de « développement durable » ne sont finalement que les traductions les plus récentes. Imaginer que le développement soit une notion importée revient à dire que les habitants des pays du Sud n’aspirent pas à vivre en bonne santé, à avoir des enfants instruits capables d’ascension sociale et ne considèrent pas qu’ils ont quelque chose de pertinent à dire sur les décisions politiques. Dans ce cas, pourquoi faire reproche aux institutions internationales de ne pas leur demander leur avis, puisque l’idée même de leur demander leur avis est considérée comme une importation occidentale ?
Chacun comprend bien que cette critique du développement et du développement durable sont des paravents qui permettent, dans les pays du Sud, de légitimer les kleptocraties et la patrimonialisation de l’État, les régimes autoritaires et la soumission des populations à des familles ou des clans qui s’enrichissent considérablement de la dilapidation et de la déprédation des deniers publics avant d’envoyer leurs enfants dans les universités … occidentales !
Question n°4 page 137 : Selon Amartya SEN qu’st-ce qui fait obstacle au développement ? Qu’est-ce qui peut le favoriser ?
Selon Jean-Louis CHALÉARD et Thierry SANJUAN, les auteurs de Géographie du développement. Territoires et mondialisation dans les Suds (Armand Colin, Paris, 2017), Amartya SEN affirme que « […] Les inégalités entre les individus ne s’apprécient pas au regard de leur dotation en ressources mais dans leurs capacités à les convertir en libertés réelles […] » (Lignes 16 à 18), en conséquences, ce qui fait obstacle au développement c’est « […] La tyrannie et l‘inexistence de services publics […] » (Ligne 19). C’est une conception dite « holistique » du développement qui place l’individu au cœur de l’action du développement : on ne « développe » pas les gens, on donne aux gens les moyens de se développer. Encore faut-il alors qu’ils puissent exprimer des désirs (D’où la nécessité de l’école) et se faire entendre et obéir (Démocratie).
C’est la conception défendue depuis le mitan des années quatre-vingt dix par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et c’est ce que l’Indicateur de Développement Humain (IDH, 1994) essaye de mesurer : les moyens donnés aux populations par les États et la communauté internationale pour que les individus puissent faire valoir leurs droits et leurs libertés. C’est aussi la conception de nombre d’ONG qui établissent des projets censés favoriser l’accès aux droits. Nul ne peut contester la validité d’une telle approche, du moins en théorie, car, en pratique, cette conception elle aussi se heurte à des nombreuses critiques.
D’une part, les « individus » dont on parle n’existent guère : les populations des pays pauvres, surtout celles issues du monde rural, n’appréhendent que rarement leur vie en termes d’individualités, mais plutôt en termes de communautés. Il serait donc plus judicieux de s’interroger sur la capacité des communautés à avoir accès à leurs droits. Or dans les sociétés rurales encore traditionnelles, cette conception onusienne des « droits » et des « libertés » ne correspond que rarement aux vœux des communautés. Le droit des jeunes filles à faire des études se heurte à la liberté des communautés de les marier vite pour qu’elles fassent des enfants qui serviront de soutiens à leurs parents devenus vieux. Le droit des communautés d’avoir une progéniture nombreuse se heurte à la volonté des ONG et des OIG de maîtriser une démographie devenue parfois inquiétante. Au Niger, le doublement de la population qui arrivait tous les 22 ans en 2000 s’effectue tous les 18 ans en 2020. Paradoxe nigérien, les cantons les plus diplômés sont ceux qui font le plus d’enfants ! L’ONU et les ONG sont rapidement prises dans un dilemme qui révèle l’hypocrisie profonde de leur posture moralisatrice : d’une part elles défendent le droit des peuples à définir les objectifs et les modes de leur développement, d’autre part elles refusent que ces objectifs soient contraires aux siens sous peine de n’être pas financés, et, enfin, elles sont incapables de faire la promotion active et sincère d’un État-providence et sont enfermées dans les présupposés libéraux qui servent de doxa aux décideurs internationaux (Pas d’enfants en grand nombre, mais pas de sécurité sociale non plus…). La rapidité avec laquelle la « communauté internationale » a fermé les yeux sur les coups d’États militaires contre des gouvernements islamistes démocratiquement élus (Algérie, Égypte, Pakistan, Yémen) montre que les hommes sont libres de choisir leurs gouvernements, sauf si ces gouvernements ne sont pas aussi choisis par l’ONU.
D’autre part, la démocratie, incontestablement le régime le mieux à même de concilier liberté individuelle et contrôle des élites, peut largement être un caricature de démocratie (Régimes illibéraux) dont l’ONU, et donc ses agences, s’accommodent très bien. À bien des égards, le monde est devenu « bipolaire » : à des discours généreux de développement et de promotion de la démocratie, se superpose une réalité de rivalités entre grandes puissances (Canadian Security Intelligence Service, 2018). Dans ce cas, l’ONU peut continuer à faire de la démocratie le fer de lance du développement durable, tant qu’elle continue à accueillir des pays qui bafouent les droits des peuples au mépris de la Charte des Nations Unies elle-même, l’espoir d’un monde où les hommes pourront faire valoir leurs droits est utopique. Et le développement restera juste de la croissance économique dans le cadre d’un système capitaliste libéral.
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