COMPOSITION
La mondialisation en fonctionnement
La mondialisation : processus, acteurs et territoires.
La mondialisation des économies et des cultures est aujourd’hui le trait dominant de l’organisation géopolitique du monde. Les économies de la planète sont devenues interdépendantes, et ce à toutes les échelles, construisant progressivement mais inégalement un marché mondial structuré et hiérarchisé. La mondialisation des économies et des cultures est le résultat d’un processus géo historique (I) vieux de cinq siècle que des acteurs (II) mettent en œuvre quotidiennement et qui aboutit à dynamiser des territoires privilégiés (III) comme les villes mondiales et les littoraux industrialisés.
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Comment est-on passé, en cinq siècles, d’un réseau lâche d’économies-monde connectées à un espace économique mondial aux territoires interdépendants ? Dès l’Antiquité grecque les économies-monde méditerranéennes et mésopotamienne du « croissant fertile » sont liées aux économies africaines et asiatiques par des routes commerciales. Mais les économies-monde ne sont pas liées directement : les commerçants eux-mêmes ne parcourent pas les routes (Comme « la route de la soie ») en entier. L’expansion arabe (VIIIe-XIe siècles) puis gengiskhanide (XIIIe-XIVe siècles) initient un rapprochement des systèmes économiques en englobant une large part des économies-monde dans des ensembles culturels homogènes. C’est cependant l’expansion européenne (À partir du XVe siècle) qui va construire la première mondialisation. Avec la redécouverte de l’Amérique par Christophe COLOMB (1492) et les grandes expéditions maritimes d’exploration (VASCO de GAMA vers les Indes, 1498, MAGELLAN et le premier tour du monde, 1521) l’Occident entre en contact directement avec les grandes économies-monde de la planète (Économies-monde asiatiques, méso-américaines et sud-américaines). Ces économies-monde sont satellisées et assujetties plus ou moins fortement au marché ouest-européen. A cette première mondialisation qui culmine avec la colonisation de la quasi-totalité du monde par l’Europe (1850-1950) succède une 2e mondialisation caractérisée par la domination de l’économie-monde américaine (1945-2001) qui diffuse ou impose son modèle de fonctionnement : production de masse de produits manufacturés, consommation de masse et émergence d’une classe moyenne urbaine et tertiaire soucieuse de loisirs et de liberté politique. La fin de la « Guerre froide » (1947-1991) permet la diffusion dans les anciens pays communistes (Comme les Nouveaux États Indépendants, NEI, issus de l’ancienne Union des Républiques Socialistes Soviétiques, URSS, ou les anciens pays du « Bloc de l’Est » en Europe) du modèle de capitalisme libéral, voire ultralibéral. Aujourd’hui, excepté de rares pays fermés sur eux-mêmes (Birmanie, Cuba, Corée du Nord) ou mis au ban des nations (Soudan, Iran) le modèle libéral d’inspiration anglo-saxonne est le modèle économique dominant. Aujourd’hui (2013) la puissance des États-Unis s’est amoindrie : la contestation antioccidentale a pris des formes variées allant de l’alter-mondialisme affiché de certains chefs d’États (Dilma ROUSSEF au Brésil, Hugo CHAVEZ au Venezuela) au terrorisme meurtrier (Attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, attentats au Kenya). Mais surtout la puissance économique s’est diffusée dans d’autres régions de l’espace mondial. Les Pays Anciennement Industrialisés (PAI) de la Triade (Japon, Europe de l’Ouest et Amérique du Nord) sont concurrencés par des pays enrichis plus ou moins récemment. Les Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie de 1ère génération (NPIA-1) en forte croissance depuis les années soixante-dix sont maintenant accompagnés des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), eux-mêmes concurrencés par les NEXT 11 (Comme l’Indonésie). Les PAI sont souvent très endettés (Crise des subprimes, 2008, des dettes souveraines, 2009) ce qui fragilise leur puissance, leur crédibilité et limite leur marge de manœuvre. Les États riches et créanciers (Comme le Qatar au Moyen-Orient ou la Chine en Asie de l’Est) en prenant le contrôle de pan entier des économies occidentales (La Chine rachète les infrastructures portuaires de la Grèce en 2010) ont maintenant leur mot à dire sur la scène internationale. La gouvernance économique mondiale hier dévolue aux membres du G7 (Les 7 pays les plus industrialisés de la planète comme le Japon, l’Allemagne ou les États-Unis) est assurée maintenant par le G20, qui accueille des fournisseurs de capitaux et de matières premières (Arabie Saoudite) ou de grandes puissances industrialisées (Comme la République Populaire de Chine, RPC). C’est la « Troisième mondialisation ». La mondialisation libérale entraîne une réduction du rôle des États dans l’économie ; l’abaissement des taxes aux frontières et des barrières douanières signifie souvent la vente des entreprises publiques et une réduction du rôle des administrations publiques dans l’ensemble des secteurs de la société. C’est le règne de la « loi du marché » décrié par les formations de gauche et les altermondialistes. En effet si la mondialisation a eu comme première conséquence un enrichissement global de la planète (Les inégalités depuis 1950 ont diminué), cet enrichissement est inégal et profite plus à certains acteurs (Entreprises, cadres très qualifiés…) qu’à d’autres (Paysans, ouvriers peu qualifiés…).
La mondialisation libérale est largement un phénomène diffus, lent et mécanique, lié à l’extension à l’échelle mondiale du commerce de biens manufacturés. Nous sommes tous chaque jour des acteurs plus ou moins conscients de la mondialisation, par nos achats, nos programmes télévisés ou nos connexions Internet. Cependant certains acteurs ont plus de poids que d’autres dans la mise en place de ce marché économique unique à taille planétaire. C’est le cas des acteurs institutionnels (États et associations régionales d’États) ou non institutionnels (Comme les Firmes Transnationales, FTN, les Organisations Non Gouvernementales, ONG, et même les mafias diverses). Paradoxalement les États sont les premiers promoteurs de la mondialisation libérale. Alors que celle-ci entraîne un abaissement des barrières douanières, des impôts et des taxes, et donc des ressources des États, ceux-ci organisent par les lois, les accords bilatéraux ou internationaux (Par le biais de l’Organisation Mondiale du Commerce, OMC, basée à Genève) l’interconnexion des économies. Les États s’associent au sein d’organisations régionales (Union Européenne, UE, Union Économique et Monétaire d’Afrique de l’Ouest, UEMOA, par exemple) ou internationales (OMC) pour accélérer l’intégration économique. Certaines associations d’États donnent naissance à des monnaies communes (L’Euro, le Franc de la Communauté Financière Africaine, CFA), stade le plus avancé aujourd’hui de l’intégration économique. Les partenariats entre États peuvent se limiter à un abaissement des barrières douanières (Comme l’Association des Nations du Sud-est Asiatique, ASEAN en Anglais), ouvrir les frontières aux mouvements de capitaux et de marchandises (Comme l’Accord de Libre Échange Nord Américain, ALENA) ou bien culminer avec des accords de libre circulation des travailleurs (Espace Schengen en Europe de l’Ouest). Certaines associations s’associent entre elles : c’est le cas de l’Association Européenne de Libre Échange (AELE) qui forme avec l’Union Européenne (UE) ce qu’on appelle l’Espace Économique Européen (EEE). Des accords sont en préparation, entre l’UE et les Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) par exemple dans le cadre de l’Union Pour la Méditerranée. En abaissant les barrières douanières et réglementaires entre les économies ces accords participent à ce qu’on appelle l’intégration des économies, c’est-à-dire la convergence des économies concernées vers un modèle moyen, commun à toutes. Les Firmes Transnationales (FTN), c’est-à-dire les plus puissantes des entreprises privées de la planète, sont en première ligne de la mondialisation libérale. Elles profitent directement de l’abaissement des barrières douanières et règlementaires, de la baisse des taxes et des impôts et de la libéralisation des mouvements de capitaux. Elles délocalisent leurs activités industrielles vers des pays plus compétitifs : ces avantages compétitifs consistent à offrir à ces entreprises moins de charges sociales, moins de réglementation du travail, moins d’imposition sur les sociétés, moins de contrôle syndical sur les activités économiques, une forte corruption des élites politiques et une société civile plus faible. Ces avantages se traduisent dans les bilans trimestriels par des gains de compétitivité, et des dividendes versés à des actionnaires de moins en moins préoccupés de stratégie industrielle et plus de rentabilité financière immédiate (Fonds de pensions anglo-saxons, fonds d’investissements, fonds souverains des pays émergents comme la Chine ou le Qatar). Mais la faiblesse réglementaire et financière des États profite aussi aux mafias qui trafiquent des produits illicites (Armes, stupéfiants, produits contrefaits) ou d’êtres humains (Migrants clandestins, prostitution, trafic d’organes…). Le retrait de l’État a entraîné l’essor des ONG. Certaines sont de véritables multinationales du caritatif : OXFAM ou le World Wild Fund (WWF) sont implantées dans 80% des pays dans le monde. Le budget de MSF (813 millions d’€) dépasse les fonds propres de certains des Pays les Moins Avancés (PMA) comme le Niger (762 millions d’€). En diffusant idées, méthodes et règles parmis leurs employés, leurs partenaires et leurs bénéficiaires, ces ONG sont des acteurs dynamiques de la mondialisation des économies et des cultures.
Tous les territoires ne sont également touchés par la mondialisation. Les grandes agglomérations et les littoraux industriels sont les territoires qui ont le plus profité de la libéralisation globale de l’économie mondiale. Les hommes vivent de plus en plus dans des grandes villes, les villes mondiales (New York, Londres, Milan, Paris…) qui en tissant des liens intenses entre elles forment l’Archipel Métropolitain Mondial (AMM), voire dans des villes géantes (Tokyo avec ses 37 millions d’habitants, Delhi avec 29 millions d’habitants en 2025 ou São Paulo avec 22 millions prévus.). Ce phénomène de concentration s’appelle la métropolisation. La ville concentre producteurs, consommateurs, décideurs, inventeurs et investisseurs sur un espace restreint et favorise par cette concentration les « rencontres aléatoires » où des individus dissemblables mais complémentaires peuvent devenir facilement des partenaires économiques. Les grands aéroports deviennent de véritables hubs qui captent les flux de passagers et font des villes de l’AMM les têtes de pont de la mondialisation. Des aires urbaines géantes (Mégalopolis américaine, « dorsale européenne », Mégalopole japonaise) se constituent le long des littoraux. Comme 80% des biens manufacturés sont convoyés par voie maritime, les littoraux profitent également de la mondialisation. À l’horizon 2050 80% des hommes vivront à moins de 100km de la mer. C’est la littoralisation des hommes et des activités. Derrière les hubs maritimes (Les gateway, les portes d’entrée) comme Shanghai (RPC) ou Rotterdam (Pays-Bas) des couloirs industriels s’édifient le long des grands fleuves (Comme l’Europe rhénane le long du Rhin), et le long des littoraux formant alors des Zones Industrialo Portuaires (ZIP) et des façades maritimes mondiales (Mer du Nord, Asie de l’Est, Golfe du Mexique, Californie).
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La mondialisation est un processus géo historique encore en réalisation, mobilisant des acteurs multiples mais qui partagent une vision globale de l’organisation de l’espace mondial. Si les injustices sociales sont criantes les injustices territoriales le sont tout autant. Ces injustices sont autant de défis pour les acteurs globaux de demain.
© Erwan BERTHO (juillet 2014, révision mars 2017)
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COMPOSITION HISTOIRE corrigée 1 La mondialisation en fonctionnement
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