COMPOSITION
Les villes françaises : métropolisation, inégalités, concurrences.
À partir des études menées en classe et de vos connaissances vous répondrez à la question problématique posée selon vous par le sujet.
Un homme sur deux aujourd’hui dans le monde vit en ville. De grandes disparités se cachent cependant derrière cette moyenne mondiale : si dans les pays en développement la part des urbains est très faible (Moins de 15% d’urbains au Niger) elle est très élevée dans les pays industrialisés. En France 75% des 66 millions d’habitants vivent en ville. Mais la définition de la ville a considérablement changé : si les trois quarts des habitants vivent dans les villes centres et leur banlieue (C’est-à-dire dans un continuum urbain) de plus en plus de Français vivent dans les zones de périurbanisation, où la ville semble littéralement se déverser dans les campagnes et s’y mêler. Les aires urbaines ainsi constituées regroupent près de 90% de la population française. Dans cette armature urbaine les métropoles (Les villes qui concentrent des fonctions de commandement politiques, économiques et de prescription culturelle à l’échelle régionale) renforcent leur poids. C’est la métropolisation, phénomène inhérent à la ville mais renforcé par la mondialisation, qui met les villes directement en compétition les unes les autres. En conséquence les concurrences entre les espaces urbains s’accentuent. Nous verrons dans quelles mesures les politiques d’aménagement de la ville permettent d’atténuer les inégalités socio-spatiales et la concurrence pour l’attractivité entre les espaces urbains. Nous étudieront successivement la question à l’échelle de l’armature urbaine de la France (Ière partie), puis à l’échelle régionale d’une aire urbaine majeure (Le bassin parisien) et à l’échelle locale d’une métropole française (IIe partie).
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L’armature urbaine métropolitaine française est caractérisée par la domination des métropoles (Villes concentrant les fonctions stratégiques). Les 11 premières métropoles françaises regroupent près de 20 millions d’habitants, soit 33% de la population française. Pourtant ces villes majeures à l’échelle nationale sont modestes à l’échelle mondiale et à l’échelle continentale. Paris est la seule ville mondiale française et se situe au 2e rang derrière Londres (Royaume-Uni) en Europe. La ville de Lyon (2e ville la plus peuplée en France) n’a que le 17e rang européen ! C’est que le développement ancien de Paris, la capitale politique, économique et culturelle de la France depuis le Moyen-âge, dans un pays centralisateur (Monarchie absolue) et jacobin (tradition de centralisation reprise par les Républicains) a généré ce qu’on nomme la « macrocéphalie parisienne ». Avec plus de 12 millions d’habitants l’aire urbaine de Paris occupe un vaste bassin parisien délimité à l’Est par la Somme et la Champagne, au Nord par la Haute Normandie, à l’Ouest par la Bretagne et au Sud par le Massif central. Cette gigantesque aire urbaine qui regroupe près de 19% de la population française et 40% des cadres du supérieur a écrasé le développement des autres villes. Les métropoles françaises (Plus de 500,000 habitants) sont situées en périphérie : l’agglomération de Lyon (1,6 millions d’habitants), celle de Marseille (1,5 millions d’habitants) ou Lille-Roubaix-Tourcoing (Conurbation de 2 millions d’habitants) sont situées sur les frontières du territoire métropolitain. Les villes et les agglomérations du bassin parisien ne dépassent pas le seuil des 200,000 habitants, au-delà duquel une ville peut raisonnablement tendre vers le statut de métropole. La concurrence entre Paris et les métropoles de rang européen située en périphérie est rude. Mais cette concurrence se retrouve aussi à l’échelle des aires urbaines de province : les agglomérations de Bordeaux, Nantes, Toulouse se comportent à l’échelle de leur aire urbaine peu ou prou comme Paris à l’échelle de la France. Seule Lyon, insérée dans une aire urbaine transfrontalière (France-Suisse-Italie du Nord), a un réseau urbain hiérarchisé et articulé de manière homogène (Et s’approchant du modèle théorique de Walter CHRISTALLER, Les lieux centraux en Allemagne du Sud, 1933). Les grandes métropoles françaises sont inégalement attractives (+0,5% d’habitants entre 1982 et 2007 pour Paris, Lyon, +0,7% pour Toulouse, Bordeaux ou Nantes) mais elles le sont plus que les villes moyennes (Moins de 150,000 habitants) comme Angoulême, Limoges ou Dijon. Les agglomérations frappées par la relative désindustrialisation de la France perdent des habitants : c’est le cas de Saint-Étienne, Le Havre ou Valenciennes (-1%). La mondialisation accentue le phénomène mécanique de métropolisation et de concurrence entre les villes. Désormais les territoires sont en concurrence à l’échelle mondiale : Paris et Londres doivent affronter les mégapoles américaines et asiatiques des pays émergents (Rio, Shanghai) tandis que les métropoles françaises ouvertes sur l’Union Européenne affrontent le dynamisme des villes de la dorsale européenne : Lyon est en concurrence directe avec Milan et Turin, anciens pôles financiers et industriels par exemple. Depuis l’après-guerre (Paris et le désert français, de Jean-François GRAVIER, 1947) les pouvoirs publics ont pris la mesure des enjeux du rééquilibrage des villes françaises. Les lois de décentralisation (1982-1986) et les mesures de déconcentration (Installation de services du Ministère des Affaires Étrangères à Nantes, de l’École Nationale d’Administration ENA à Strasbourg, de l’École Nationale de la Magistrature ENM à Bordeaux, de l’École Normale Supérieure ENS de Fontenay à Lyon) permettent de rendre ces métropoles plus attractives. L’État, par le biais de la Délégation à l’Aménagement des Territoires et à l’Attractivité Régionale (DATAR, délégation interministérielle), soutien les politiques locales de « marketing urbain » et favorise les synergies : Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES), coopération transfrontalières menées dans le cadre des Conférences Intercommunales Transfrontalières (COPIT), appui aux projets de modernisation des transports (Euralille pour le Train à Grande Vitesse TGV de la SNCF).
Si les métropoles françaises ont un développement inégal et sont en concurrence les unes les autres, cette concurrence n’en n’est pas moins rude à l’échelle des aires urbaines et des agglomérations. Les espaces urbains sont de développement inégal. Les aires urbaines se caractérisent par une organisation théorique « Centre-Périphérie » de la Ville-Centre, aux banlieues vers l’espace périurbain. Désormais les migrations pendulaires (Migrations quotidiennes du travail et des loisirs entre le domicile et les espaces urbains) définissent la ville mieux que le continuum du bâti car l’étalement urbain (La croissance spatiale de la ville plus rapide que sa croissance démographique) a déversé la ville dans la campagne. La diversité (Architecturale, professionnelle, sociale, générationnelle) et la densité, critères fondateurs de l’urbain, décroissent au fur à et mesure que l’on s’éloigne du ou des centres de l’agglomération. Si dans la ville centre se retrouvent encore les extrêmes (Riches et pauvres, jeunes et personnes âgées, artisans et services tertiaires très qualifiés, le quaternaire des services financiers et de la recherche), cette diversité décroît en banlieue. La banlieue est elle-même fragmentée : banlieue pavillonnaire des classes moyennes et moyennes supérieures près des nœuds de communication, banlieue des grands ensembles (À l’écart des nœuds de transport collectif) construits dans les années 60’ et 70’ (Habitations à Loyers Modérés, HLM). Construits à la va-vite avec des matériaux (Béton, fer) mal entretenus par des Offices des HLM vite débordés ils se sont dégradés. Aujourd’hui les « cités » et les « quartiers » (5 millions de Français vivent dans ces Zones Urbaines Sensibles, les ZUS) concentrent tous les maux de la ville en crise : fort taux de chômage (17% contre 9% en moyenne), pauvreté (31% de personnes vivant avec moins de 900€/mois contre 12% en France métropolitaine), criminalité des réseaux, émeutes, déshérence des services publics. Les mairies sans citoyens solvables (À Bondy, dans le département de la Seine-Saint-Denis, 80% des ménages sont non-imposables) sont en faillites (Comme Sevran), la péréquation entre communes riches et pauvres fonctionnant mal. La tendance générale de l’habitus urbain est l’entre-soi. Les résidences fermées (Comme la « Villa Montmorency », dans le XVIe arrondissement de Paris) apparaissent en France, même si le modèle étatsunien des gated communities reste lointain. Le processus de gentrification (Renchérissement du coût de la vie en centre ville à la suite des opérations de réhabilitation du bâti ancien et du retour des CSP+ en centre ville) n’est pas seul en cause. Le développement du périurbain montre que les citadins ne veulent plus des servitudes de la vie communautaire. Le modèle du pavillon familial avec des déplacements automobiles permettant une individualisation complète de la vie quotidienne est le reflet de la généralisation du modèle libéral-libertaire. La ville française devient une ville ségrégée. Mieux gérer la ville devient nécessaire à l’heure où l’étalement urbain rend l’échelon municipal obsolète. Les anciennes cités sont démolies (Les « Tours Mondor » à Argenteuil dans le Val d’Oise en 2010) mais les défis dépassent le cadre d’action des municipalités. Les intercommunalités se développent, comme le « Grand Paris ». Les rivalités sont vives entre communes. Malgré les votes des lois Solidarité et de Renouvellement Urbains (SRU, 2000, qui inscrit les Plans locaux d’urbanisme, PLU, dans les Schémas de Cohérence et d’Organisation Territoriale, SCOT) et de la Loi Borloo (2005) qui prescrit une amende pour les communes n’atteignant pas le seuil des 20% de logements sociaux, les élus locaux préfèrent payer ou frauder plutôt que de s’intégrer dans des politiques de la ville qui les forcent à coopérer avec des communes pauvres. Les nuisances et les pollutions générées par l’étalement urbain sont aujourd’hui modérées par le développement des transports collectifs (Le tramway souvent plus « propre » que la voiture et moins cher qu’un métro). C’est le cas en région parisienne où la ligne 14 (Métro automatique) et les lignes de Tramway (Lignes T1 à T3) relient les communes de la « Petite couronne ». Les élus préfèrent souvent, en dépit de sa faible efficacité, le développement d’une « zone franche » (Largement exemptée d’impôt) à la mixité sociale. Une ville apaisée est pourtant plus attractive : mêler les générations et les classes sociales permet à la ville d’offrir ces opportunités de « rencontres aléatoires », terreau de l’innovation entrepreneuriale et scientifique (Un des atouts historiques de la ville). Les éco-quartiers (Comme les « îlots ABC » dans le projet « Lyon Confluence » à Lyon) et les Agendas 21 locaux (Plus de 500 en France) se multiplient mais leur impact, devant l’ampleur des inégalités socio-spatiales en ville, est très faible. Là encore les élus préfèrent favoriser le volet environnemental (Bâtiments Haute Performance Énergétiques, HPE) certifié par l’Agence Française de Normalisation (AFNOR) et économique (« Zones franches », PRES, Pôles de compétitivité) du développement durable (Rapport Brundtland, 1987) plutôt que le volet social.
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La ville, réalité géographique et sociale en constantes redéfinitions, est dans le contexte de la mondialisation de plus en plus le lieu d’expression des inégalités sociales et de la concurrence, celle des espaces urbains comme des villes entre elles. La nécessité (et la difficulté) de réguler cette concurrence se heurte aux égoïsmes et aux contradictions de la société française.
COMPOSITION corrigée Les villes françaises métropolisation, inégalités, concurrences