COMPOSITION
Les territoires ultramarins de l’Union Européenne et leur développement.
Discontinuités, distances, insularité, spécificités socio-économiques.
Vous analyserez les spécificités des Régions Ultra Périphériques de l’UE et vous montrerez comment la politique de l’UE peut renforcer leur capacité de développement sans interdire leur intégration régionale.
L’Union Européenne (UE) possède des territoires situés au-delà des mers (Les territoires ultramarins). Certains sont proches (Ceuta et Melilla sur les côtes marocaines mais sous souveraineté espagnole) d’autres très éloignés (Comme la Nouvelle Calédonie située à 17,000 km de l’UE). La discontinuité territoriale avec le continent européen, associée parfois avec la distance extrême et l’insularité (Physique dans le cas des îles ou de facto dans le cas des territoires isolés de leur aire régionale, comme pour la Guyane encerclée par la forêt amazonienne) sont des facteurs qui ont contribué à leur marginalisation et leur retard de développement. Comment l’UE agit pour assurer une croissance économique durable et régulière tout en veillant à raccorder ces territoires à leur environnement régional ?
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L’Union Européenne (UE) a reçu de l’histoire de ses États membres, souvent d’anciennes puissances coloniales (Comme la Belgique, l’Espagne, La France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou le Portugal), des territoires situés au-delà des mers (Les territoires ultramarins), ce sont les « confettis d’Empire ». Leur caractéristique commune est la discontinuité (Rupture géographique liée à la distance, à l’insularité ou à une frontière). La majorité de ces territoires ultramarins sont des îles ou des archipels : l’insularité est une des contraintes fortes pour ces territoires. Parfois proches (Comme Ceuta et Melilla sur la côte marocaine en Afrique), les territoires ultramarins sont souvent très lointains : les îles Canaries sont à 1,800 km de l’Espagne, les Antilles à 7,000 km de l’Europe (7 heures de vol de Paris à Fort-de-France en Martinique), l’île de la Réunion à 10,000 km de la France (Soit 12 heures de vol pour rallier Saint-Denis de la Réunion) et la Nouvelle Calédonie à 17,000 km. Leur éloignement est une contrainte supplémentaire pour leur développement économique (Car la distance génère des coûts de transport) comme pour la mise en œuvre par l’Union des politiques de cohésion territoriale et sociale. Les territoires sont de tailles inégales : le Groenland et la Guyane (87,000 km) sont des géants comparés aux Açores (Portugal, 2,300 km²), à Madère (Portugal, 800 km²) ou à Saint-Martin (Souveraineté des Pays-Bas et de la France, 50 km²). C’est la petitesse des superficies qui prévaut cependant. On parle alors de « surinsularité » car la petitesse des territoires (Les îles des Antilles ont souvent une superficie deux fois moindre que celle d’un département français) accentue les effets délétères de la discontinuité, de l’insularité et de la distance. A ces contraintes géopolitiques s’ajoutent des contraintes physiques : les territoires ultramarins de l’UE sont souvent des territoires à haut risques. Volcanisme actif (Antilles avec en 1902 la destruction complète de Saint-Pierre, le chef lieu départemental, lors de l’éruption de la Montagne Pelée), ouragans tropicaux (Polynésie française, Antilles), milieux extrêmes (Froid arctique au Groenland et dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises, TAAF, forêt dense d’Amazonie en Guyane), contraintes tropicales classiques des saisons des pluies très violentes (Madère frappée par les inondations meurtrières et les glissements de terrains, 2010). L’organisation du territoire est dictée par ces contraintes physiques : dans les Antilles par exemple les hommes et les activités se concentrent sur la « Côte sous le vent » et non celle « au vent » fouettée par les alizés. A ces contraintes géopolitiques et physiques s’ajoutent enfin des contraintes économiques. Longtemps délaissés (Guyane) ou soumis à des économies coloniales de rentes des matières premières (Nouvelles Calédonie avec son Nickel) ou d’exportations de matières premières agricoles (Comme le sucre ou la banane en Martinique) les territoires ultramarins de l’Union sont en retard de développement. Les aléas des cours des matières premières et la détérioration continue des termes de l’échange (Augmentation régulière du prix des importations et baisse continue des recettes d’exportation) frappent ces territoires comme ils frappent les Pays en Voie de Développement (PVD). Les populations sont souvent pauvres (le PIB/hab/an en Standard de Pouvoir d’Achat, SPA, est en moyenne égal à 66% de celui de l’Union, voire moins comme en Guyane où le PIB/hab/an SPA est seulement de 50%) connaissent des taux de chômage inégaux (5,5% aux Açores mais 30% à Saint-Martin) mais élevés (21% en Guyane, 24% à la Réunion contre 7% en Europe continentale). Parfois la situation est assimilable à celle de certains pays émergents : population jeune (En Martinique les moins de 25 ans représentent 31% de la population), taux de natalité forts, orientation étatiste et tertiaire des activités (80% des emplois sont des emplois de services dans les DROM françaises). Les maladies tropicales, endémiques dans certains PVD, sont présentes mais sporadiques dans les territoires ultramarins de l’Union : c’est le cas de la Dengue (17 décès en 2010 à la Martinique) ou plus tragiquement du Chikungunya (La Réunion, 2008). Le tourisme, qui s’appuie sur les loisirs balnéaires, l’ensoleillement, les sports nautiques et la richesse de la biodiversité et des paysages, est fortement concurrencé par les États proches (Comme Saint-Domingue dans les Caraïbes) moins disant. L’action des métropoles en partenariat avec l’Union Européenne est fondamentale pour permettre à ces territoires de bâtir de vraies stratégies de développement, si possible en lien avec leur environnement régional.
L’intérêt pour l’Union Européenne d’assurer un développement économique et social durable dans les territoires ultramarins est triple : la pauvreté endémique qui caractérise trop souvent les populations de ces territoires est inacceptable pour une région du monde qui se targue d’être un pôle économique majeur dans le monde. Mais ces territoires constituent aussi un atout économique et géostratégique de premier ordre : la Zone Économique Exclusive (ZEE) qu’ils apportent assure une présence politique, militaire et financière (Location des droits de pêche, exploration et forage d’hydrocarbures…) indéniable. La Guyane, proche de l’Équateur, abrite le centre spatial de Kourou (1964) administré par l’Agence Spatiale Européenne (ASE) qui permet le lancement des fusées Ariane de la firme « Ariane Espace ». Les États sont en première ligne dans les politiques d’appui au développement. En France certains de ces territoires sont des Collectivités d’Outre-mer (COM) anciens Départements et Régions d’Outre-mer (DROM) comme c’est le cas des Antilles et de la Guyane. Le tourisme est souvent la stratégie de développement préférée : la loi PONS (1986) qui défiscalise les investissements réalisés dans les DROM en est une illustration. L’Union Européenne a établi la liste des 8 Régions Ultra Périphériques (RUP) de l’Union (Açores, Canaries, Guadeloupe, Guyane, Madère, Martinique, La Réunion, Saint-Martin) qui bénéficient des aides des fonds structurels (Objectifs de Convergence par exemple) et en plus du Programme d’Option Spécifique à l’Éloignement et à l’Insularité (POSEI, 1989). L’UE reconnaît que la situation géographique de ces RUP présente des handicaps pour leur développement et nécessite donc une politique d’aide spécifique. Mais tous les territoires n’ont pas le même statut, ce qui complique l’allocation des subventions. Ainsi pour la France certains territoires ultramarins sont des Collectivités d’Outre-mer (COM) autonomes (Nouvelle-Calédonie, Polynésie), d’autres sont des domaines de l’État (Terres Australes et Antarctiques Françaises, TAAF). Le Groenland (Danemark) est considéré comme un territoire autonome et n’est plus (À sa demande expresse) un territoire de l’Union, même s’il reste un territoire d’un État membre de l’Union. Si les RUP sont dans la zone € ce n’est pas le cas de certaines COM (La Polynésie française dispose encore du Franc Pacifique, garanti par le Trésor Public). Cette diversité des situations juridiques a conduit l’Union à élaborer (2008) le statut de Pays et Territoires d’Outre-mer (PTOM) : ces territoires ultramarins conservent leur juridiction propre et le droit communautaire ne s’y applique pas, tandis qu’ils bénéficient tout de même des aides via le Fonds Européen de Développement (FED) et d’un régime commercial très avantageux (Pas de restrictions aux importations dans l’UE ni de droits d’importation). Le financement de l’UE reste modeste dans PTOM : si les RUP (beaucoup plus peuplées : 2 millions de Français vivent dans les RUP contre 800,000 dans les PTOM) ont reçu entre 2008 et 2013 près de 8 milliards d’€ ces PTOM n’en ont reçu que 300 millions. L’essentiel des aides viennent directement des États membres. Bien souvent ces territoires sont des paradis fiscaux (C’est le cas de tous les PTOM néerlandais et britanniques comme les Bermudes ou Saint-Martin). Ces politiques d’aide peuvent apporter une impulsion décisive pour le développement économique : c’est le cas de l’Archipel des Canaries (2 millions d’habitants sous administration espagnole) et surtout de Madère (Sous administration portugaise) qui abrite maintenant une forte activité de tourisme de masse, grâce à une clientèle d’Europe du Nord. Pour l’Union ce type de région entre dans le phasing-in, le soutien n’est plus que temporaire et relève exclusivement de l’ « objectif compétitivité régionale et emploi ». La croissance, même relative, peut entraîner aussi des déséquilibres qu’il faudra gérer. Le tourisme de masse menace la biodiversité et l’environnement dans son ensemble. Mais le tourisme de masse déstructure aussi les économies locales en vidant de leurs emplois les activités agricoles (Secteur Primaire) au profit des métiers du tourisme (Secteur Tertiaire). C’est le cas par exemple aux Îles Canaries. Les RUP et les PTOM restent très peu intégrés à leur environnement régional. Les flux aériens le montrent clairement : 8% seulement du trafic de l’aéroport Aimé Césaire de Fort-de-France concerne la zone Caraïbe. Les Antilles françaises, britanniques et néerlandaises sont absentes des travaux de la Caribbean Community (CARICOM), marché commun créé en 1974 et rassemblant aujourd’hui 14 États caraïbes. Au contraire certains PTOM et RUP se ferment à leur environnement régional : ils constituent souvent des isolats de richesses dans des régions très pauvres (Guyane face au Surinam, Guadeloupe face à Haïti) ou des portes d’entrée dans l’espace Schengen (Canaries). Le développement systématique dans ces territoires des zones franches et des exemptions fiscales ne participe ni à leur intégration régionale ni à leur intégration au reste de l’Union.
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Les PTOM et les RUP semblent pris dans un dilemme impossible : comment s’intégrer dans l’une des régions les plus riches du monde, l’Union, et accentuer l’intégration régionale avec des États qui sont souvent des Petits Pays Très Endettés (PPTE) alors qu’il doivent, dans le même temps, être une porte (fermée) de l’Union et que leur population ne participe guère à la croissance du continent européen ? Les aides des États et de l’Union sont incontestables mais elles ne se font que peu en faveur d’un développement économique autonome : le tourisme et les paradis fiscaux priment encore sur l’industrialisation et l’économie de la connaissance.
© Erwan Bertho (2013, révision 2017)
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COMPOSITION corrigée 9 Les territoires ultramarins de l’UE et leur développement
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