COMMÉMORATIONS DU 11 NOVEMBRE 1918
Sorties scolaires, Monuments aux morts pour la France de Niamey (NIGER) en 2013
Centenaire de la Grande Guerre
Renouer avec l’histoire : les lieux de mémoire.
COMMÉMORATION DE L’ARMISTICE DU 11 NOVEMBRE 1918 À NIAMEY (NIGER) DANS LE CADRE DU CENTENAIRE DE LA GRANDE GUERRE (1914-1919).
Le mardi 11 novembre 2014, de 09h00 à 11h00, les élèves du Collège La Fontaine, avec les élèves du Prytanée Militaire de Niamey, ont participé aux côtés des anciens combattants et veuves de guerre aux cérémonies de commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918. Cette participation, remarquée par tous les autres invités et particulièrement appréciée des anciens combattants, a été l’occasion de célébrer la Paix et la sécurité collective et de rappeler le sacrifice des tirailleurs sénégalais morts pour la France.
« […] Reconnaîtrons-nous enfin cette identité de douleur, de joie et de bonne volonté, qui crée à tous les hommes les mêmes droits et les mêmes devoirs ? […] »
Jean GUÉHENNO, « Le sens du monde. »
Avril 1919, Paris, La grande revue.
À l’occasion des cérémonies du Centenaire de la « Grande Guerre » organisées par la France, et associant les quelques 80 pays ayant participés à la Première Guerre mondiale, la commémoration du 96e anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918 revêtait un lustre particulier. Les Forces Armées Nigériennes (FAN) avaient déjà envoyé en France un drapeau et sa garde défiler sur les Champs-Élysées lors du 14 juillet 2014.
À Niamey, la journée du 11 novembre, placée sous le haut patronage de son Excellence Monsieur KARIDJO Mahamadou, Ministre de la Défense de la République du Niger, devait être à la hauteur de ces enjeux historiques. Les élèves de la 3eA avaient tous fait des efforts pour adapter la correction de leur tenue à la solennité de l’événement : leur élégance fut remarquée par tous.
C’est à 08h45 que les élèves de 3eA sont arrivés au « Monument aux Morts pour la France » de Niamey (NIGER). Ils étaient invités par l’Ambassade de France, et étaient accompagnés de leur professeur d’Histoire-Géographie, Monsieur ALI YÉRO Souleymane, de Monsieur Jean-Jacques MOIROUD, Proviseur du Lycée Français La Fontaine de Niamey (Réseau AEFE), de Monsieur ANDRIÈS, Directeur de l’école primaire, de Monsieur Karim CHERIFI, proviseur-adjoint et de Madame Pascale PIGNON, coordinatrice de la Vie Scolaire du Lycée La Fontaine. Étaient également présent Monsieur Emmanuel GAUTHIER, professeur d’Histoire-Géographie et Monsieur Erwan BERTHO, coordonnateur de l’équipe d’Histoire-Géographie & Éducation civique du Lycée La Fontaine.
Ils rejoignirent les anciens combattants et victimes de guerre dont le drapeau était déjà présent et s’installèrent avec les élèves du Prytanée Militaire de Niamey (PMN) au sein du dispositif. Progressivement les représentants de la coopération militaire française et les représentants des différents corps d’armée des FAN, puis les représentants du poste diplomatique et ceux de la communauté française se mirent également en place pour accueillir d’abord les représentants des différents corps diplomatiques et consulaires, puis leurs excellences Monsieur KARIDJO Mahamadou, Ministre de la Défense Nationale, et Monsieur Antoine ANFRÉ, Ambassadeur de France au Niger.
La cérémonie commença par une lecture faite par un représentant de la coopération militaire : le bilan humain effroyable de la Première Guerre mondiale fut rappelé. Dix millions d’hommes furent tués en quatre ans de combats en Europe, au Proche et au Moyen Orient, en Chine et en Afrique : 23 millions d’autres furent blessés ou furent mutilés. Soit près de la moitié des 70 millions d’hommes mobilisés pendant le conflit.
En Europe la guerre tua essentiellement des soldats, mais en Afrique australe les campagnes militaires entre les forces allemandes de Namibie et de Tanzanie et les forces anglo-belges mobilisèrent un grand nombre de porteurs, hommes et femmes, qui succombèrent souvent d’épuisement, des maladies et lors des combats.
Ce fut l’occasion pour les participants à la cérémonie de se souvenir qu’il y a cent exactement, en novembre 1914, alors que la « guerre des tranchées » n’avait pas encore commencé, mais que les Européens se battaient depuis quatre mois, près de 300 000 soldats français étaient déjà morts, soit un cinquième des pertes françaises. Les batailles d’août et de septembre (Appelées « batailles des frontières ») firent 30 000 morts et 60 000 blessés par jour, plus que les grandes batailles de la guerre des tranchées. La bataille de la Marne (Qui se déroula entre le 5 et le 12 septembre 1914) fit 550 000 morts, tant alliés qu’Allemands…
Les élèves invités lurent ensuite deux textes témoignant de la guerre et des enjeux du souvenir. Les élèves de la classe de 3eA avaient délégué Moussa MAYAKI pour lire le texte qu’ils avaient sélectionné, un extrait de Force-Bonté (1926) de Bakary DIALLO, le premier témoignage africain sur la Grande guerre. L’extrait relatait la violence des assauts d’infanterie pendant la guerre et le courage des « tirailleurs sénégalais » devant le feu ennemi. Blessé grièvement au visage, Bakary Diallo compte donc parmi cette immense cohorte des 23 millions de blessés de la Première Guerre mondiale.
Les élèves du Prytanée Militaire de Niamey lurent un extrait de Comprendre le monument aux morts. Lieu du souvenir, lieu de mémoire, lieu d’histoire. (2013, CODEX) de l’historien Franck DAVID, choisi avec leur professeur d’Histoire-Géographie, Monsieur ABDOURAHIM Hassane. Quelle signification donnons-nous à ces bâtiments et à ces monuments devant lesquels nous passons tous les jours et dans lesquels nous n’entrons jamais ? Nous écrasent-ils de tout le poids de l’Histoire, sont-ils devenus tabous ? Sont-ils simplement une gêne dans notre trajet quotidien ? Les élèves du Prytanée militaire nous invitent à réinvestir et à nous réapproprier les lieux de mémoire, comme le Monument aux Morts de Niamey. Comme en échos, à 5 000 km de distance, François HOLLANDE, Président de la République française déclarait : « […] il n’y a rien de plus terrible pour un soldat déjà anonyme que de mourir inconnu […] », (Notre-Dame-de-Lorette, France, le 11 novembre 2014).
Les représentants de la coopération militaire lurent ensuite des exemples de citations reçues par les régiments et bataillons de tirailleurs sénégalais, en l’occurrence les 61e et 68e bataillons de Tirailleurs Sénégalais, en récompense de leur conduite exemplaire au feu. Ce fut l’occasion pour tous de suivre des unités, engagées parfois depuis le début de la guerre, et qui furent les acteurs de combats titanesques : les pertes, qui dépassent les deux tiers des effectifs, furent le prix à payer pour l’héroïsme de ces unités d’élite.
Dans l’ensemble des 250 000 tirailleurs sénégalais engagés sur les fronts (France, Dardanelles, Balkans et combats en Afrique), 30 000 ne revinrent pas. Pour une population estimée à un million d’habitants en 1900, le Niger mobilisa près de 1 500 combattants, un chiffre important compte tenu, aussi, de l’effort économique, agricole et minier, que durent fournir les territoires colonisés.
Les hautes autorités déposèrent ensuite des gerbes de fleurs devant le monument aux morts, puis, après une minute de silence, saluèrent les participants dont, au premier chef, les anciens combattants et les veuves de guerre, et ensuite les élèves du Lycée La Fontaine comme du Prytanée militaire.
Le bus amena ensuite les élèves de 3eB au cimetière chrétien pour une nouvelle cérémonie devant le monument du Souvenir Français. L’association, qui existe en France depuis 1887 et est, de ce fait, une des plus anciennes associations françaises, s’est donnée pour mission de conserver le souvenir de ceux qui sont morts pour la France, d’entretenir les monuments aux morts, et de transmettre le flambeau du souvenir aux générations futures. Reconnue d’utilité publique depuis 1906, elle œuvre aussi au Niger (Ainsi que dans 43 autres pays) et veille à l’entretien des tombes des anciens combattants et à l’entretien du monument aux morts du cimetière chrétien.
La sonnerie aux morts, jouée par la fanfare militaire des FAN, retentit et Fatimata RILIWANOU lut un extrait des Carnets de guerre. 1914-1918. d’Ernst JÜNGER. Engagé volontaire à 19 ans, Ernst JÜNGER fut le plus jeune soldat allemand à recevoir la croix « Pour le Mérite », la plus haute distinction militaire allemande de l’époque. Il fut suffisamment jeune pour avoir le triste privilège d’être un combattant des deux guerres mondiales puisqu’il servit ensuite comme officier entre 1939 et 1945. Il établit sa réputation d’écrivain avec Orages d’acier (1920), témoignage à peine romancé de ses années de guerre.
Si l’année 2014 marque le centenaire de la Grande guerre, elle ne doit pas masquer les durs combats de 1944, pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Le 11 novembre commémore aujourd’hui l’ensemble des morts pour la France depuis la Première Guerre mondiale, et non plus seulement ceux de 1914 : c’est, depuis 2012, le « Jour de l’hommage aux morts pour la France ». Jean ROUCH, inhumé au cimetière chrétien de Niamey, connu pour ces réalisations cinématographiques et ses travaux de recherche en ethnographie, fut aussi un combattant de la guerre de 39-45.
Les participants allèrent donc s’incliner devant la tombe simple et presque anonyme de Jean ROUCH, ethnologue, pionnier du cinéma documentaire ethnographique et des fictions documentaires, tragiquement décédé en 2004 sur la route de Tahoua, près de Birni N’Konni.
Mobilisé en 1940 sur le front français, Jean ROUCH participa lors de l’occupation nazie de la France à la manifestation gaulliste du 11 novembre 1940, à Paris, sur les Champs Élysées. Puis, ingénieur des Ponts & Chaussées, Jean ROUCH fut affecté à la construction des routes en Afrique Occidentale Française (AOF) et plus particulièrement au Niger (1941-1942). Il y dénonça l’institution du travail forcé, et les conditions scandaleuses de vie et de travail des jeunes hommes, recrutés sous la contrainte pour effectuer les travaux publics. Expulsé de la colonie du Niger par son gouverneur vichyste après avoir protesté contre la mort d’un de ses ouvriers, il fut renvoyé à Dakar (1942) et sauvé de justesse de l’emprisonnement voire de la déportation par Théodore MONOD, ethnologue lui aussi et directeur alors de l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN).
Engagé dans la 1ère division blindée, Jean ROUCH participa dans une unité du Génie militaire à tous les combats en France (Débarquement en Provence avec les troupes d’Afrique, le 15 août 1944) et en Allemagne, jusqu’à la conclusion de la guerre en mai 1945. L’expérience nigérienne changea la vie de Jean ROUCH qui abandonna les sciences pour s’engager dans les Sciences Sociales. Il fut également un historien, passionné par les sociétés de la sous-région, dont il étudia plus particulièrement les rituels de possessions (Les Maîtres-fous, 1954-1956) et les rites des populations de pêcheurs sorkos du fleuve Niger. Son ami, Damouré ZIKA, est enterré non loin de Boubou HAMA dans l’ancien cimetière musulman (Yantala), route de Tillabéry.
La prime expérience nigérienne fut déterminante dans la vie et l’œuvre de Jean ROUCH et en 1990, à plus de 70 ans, dans une postface à un article scientifique, il en relatait encore les conséquences sur sa vie de chercheur : « […] Mon « aveuglement » devant la situation des paysans du Niger aurait été quand même bien singulier alors que j’ai connu, en 1941 et 1942, le travail « forcé » sur ces routes de la honte que j’étais chargé de construire : essayer de comprendre ces milliers de jeunes hommes déplacés, humiliés, brutalisés a été le seul motif qui m’a fait abandonner les certitudes des sciences de l’ingénieur pour l’incertitude des sciences humaines. Comment aurais-je pu oublier la pression coloniale impitoyable, ayant été, en novembre 1942, expulsé par le gouverneur vichyste du Niger pour « bougnoulisation et gaullisme » […] » (in, « Les cavaliers aux vautours. Les conquêtes zerma dans le Gurunsi (1856-1900) », 1990, Journal des Africanistes.)
Les élèves sont ensuite revenus au lycée pour la reprise des cours. L’équipe pédagogique et les élèves tiennent à remercier les anciens combattants nigériens et les militaires français pour leur accueil chaleureux, comme tous les ans, et plus particulièrement le capitaine Patrick AVILÈS pour son engagement, sa disponibilité et sa bienveillance auprès des élèves.
Le lycée La Fontaine de Niamey est heureux de participer aux commémorations du 11 novembre, occasion de faire vivre l’histoire dans le cadre de la coopération franco-nigérienne. La commémoration rend l’Histoire vivante, comme l’a rappelé le Président de la République française François HOLLANDE, lors de l’inauguration, à Notre-Dame-de-Lorette, du monument « L’anneau de la mémoire » sur lequel sont inscrit les noms des 580 000 soldats morts sur les champs de bataille du Pas de Calais : « […] Ici […] au milieu des tombes, des nécropoles, des ossuaires, dans le silence des morts, c’est toujours l’espérance qui surgit comme un cri. […] ».
© ALI YÉRO Souleymane (2014), en collaboration avec Emmanuel GAUTHIER et Erwan BERTHO, citation d’incipit proposée par Madame Cécile JACQUART.
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