ANTHOLOGIE DE LITTÉRATURE
Naomi KLEIN, Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique, 2015, New York et Paris, traduction chez Actes Sud par Geneviève BOULANGER & Nicolas CLAVÉ, extraits de l’Avant-propos des pages 16 à 22.
« D’une manière ou d’une autre, tout est en train de changer. »
« […] Confrontés à une crise qui menace notre survie en tant qu’espèce, nous persistons avec zèle dans les activités mêmes qui l’ont provoquée. […] Nous sommes nombreux à être, de la sorte, dans le déni du changement climatique, nous contentant de lui accorder un instant d’attention avant d’en détourner le regard – quand nous ne choisissons pas d’en faire un motif de plaisanterie (« L’apocalypse est à nos portes ! »), ce qui revient à peu près au même. Il nous arrive également de nous raconter des histoires rassurantes sur le génie humain et sa capacité à enfanter de miraculeuses technologies. (…) C’est là une autre forme de déni, allais-je découvrir au cours de mes recherches engagées pour ce livre. Une autre option consiste à envisager dûment la crise, mais sur le mode hyper-rationnel : « Dollar pour dollar, vaut mieux accorder la priorité au développement économique sur le changement climatique, puisque la richesse constitue le meilleur bouclier contre des conditions météorologiques extrêmes. » Comme si le fait de posséder quelques dollars de plus pouvait faire la différence quand la ville où vous habitez est sous les eaux ! Une autre option consiste à nous dire trop accaparés par notre propre vie pour nous soucier d’un problème aussi lointain, aussi abstrait. (…) Aussi compréhensible soit-elle, cette attitude est encore une forme de déni. Une autre option consiste à prendre la crise en compte tout en disant que la seule solution est de modifier nos comportements – en recourant à la méditation, aux marchés « bios », et en prônant la suppression de la voiture, mais en « oubliant » de changer pour de bon le système responsable de la crise, au motif qu’un tel projet serait irréaliste ou véhiculerait trop d’ « énergies négatives ». C’est ainsi que, même si nous sommes persuadés de garder les yeux grands ouverts dans la mesure où nombre de ces modifications apportées à notre mode de vie font, de fait, partie de la solution, l’un de nos yeux demeure bel et bien fermé. Il nous arrive aussi d’avoir vraiment les yeux ouverts, sauf que, immanquablement, cela ne dure pas, et que nous continuons ainsi d’osciller entre prise de conscience et amnésie. Car le dérèglement climatique est une réalité qu’il est difficile de garder à l’esprit bien longtemps. Cette amnésie écologique intermittente est parfaitement rationnelle : nous nions la crise du climat parce que nous craignons qu’elle ne vienne tout bouleverser. […] nous n’avons pas à nous contenter d’agir en spectateurs : les politiciens ne sont pas seuls à détenir le pouvoir de déclarer une crise. Les mouvements citoyens de masse sont également en mesure de la faire. L’esclavage n’avait rien d’une crise aux yeux des élites britanniques et américaines avant que le mouvement abolitionniste n’établisse qu’il en était bien une. Même chose pour la ségrégation raciale, la discrimination sexuelle et l’apartheid avant que le mouvement des droits civiques, le féminisme et le mouvement antiapartheid n’entrent en scène. […] De la même façon, si suffisamment d’entre nous cessons de détourner les yeux et décidons que le dérèglement climatique constitue bel et bien une crise nécessitant une intervention de l’ordre du plan Marshall, alors elle sera perçue comme telle, et la classe politique n’aura d’autres choix que de réagir, tant en rendant possible l’allocation de ressources qu’en infléchissant les lois du libre marché qui se révèlent si flexibles dès que les intérêts de l’élite sont en jeu – ce dont nous avons parfois un aperçu lorsqu’une catastrophe met un temps les enjeux climatiques sur le devant de la scène. […] »
ISBN 978-2-3300-4784-9 / © Erwan BERTHO – LEGARREC pour la présentation du texte et les extraits (2024)
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ANTHOLOGIE DE LITTÉRATURE – Naomi KLEIN – Tout peut changer – Extraits
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