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MANUEL DE LITTERATURE – Afrique(s), Africain: mythes représentations et légendes. Florent Couao-Zotti, l’enfant aux pieds rouges.

Extrait 2 : mythes et légendes

L’enfant aux pieds rouges (2008)

Florent Couao-Zotti (1964)

 

Biographie de l’auteur :

Florent Couao-Zotti est né en 1964 à Pobé au Bénin. Après des études de lettres à l’Université Nationale du Bénin et une formation d’entrepreneur culturel à Kinshasa et à Angoulême, il s’oriente vers le journalisme comme chroniqueur culturel puis comme rédacteur en chef d’un journal satirique. Il est connu de différentes manières : Enseignant, journaliste, scénariste de bandes dessinées. Cet écrivain talentueux est l’auteur de romans, de nouvelles et de pièces de théâtre

Florent Couao-Zotti est un visionnaire et ses yeux innombrables fouillent avec précision la ville africaine. L’amour y est infini et commande aux hommes les plus grandes folies, à l’image de leurs plus grandes peines. Il est une voix majeure de la littérature africaine actuelle.

« […] Pobè.

La terre rouge. La poussière rouge. Le ciel rouge.

J’avais toujours l’impression que Pobè, depuis qu’il existe, avait été cerné par la couleur rouge comme ailleurs le ciel et la terre sont faits de gris ou de chocolat…

Devant notre maison, ma route filait comme une flèche et allait mourir au pied d’un baobab. Un baobab, un grand arbre au tronc robuste comme dix gaillards réunis, avec des branches qui tendaient leurs feuilles vertes dans le ciel rouge. Cet arbre représentait le cœur du village. C’est sous lui que s’organisait les plus grandes cérémonies liées à la tradition ; c’est sous lui que se jouaient les tam-tams les plus prestigieux. C’est sous lui que se délivraient les bénédictions des grands chefs coutumiers du village.

En ce temps-là, nous aimions gambader le long de la route, les pieds nus, semblables à tous les enfants du quartier qui nous traitaient, mon grand-frère, mes cousins et moi, d’ « enfants d’Oyimbo (blanc) », parce que nous portions tout le temps des chaussures. Pour qu’on échappe à ces insultes, il fallait que nos pieds soient couverts de gerçures, que nos jambes soient nues, que nos ventres soient rebondis ; bref que nous soyons sales, kpotou kpotou, comme des enfants du village, rieurs, coureurs et chieurs. C’est pour cette raison que nous allions nous saupoudrer de terre rouge, de la tête aux pieds, en nous roulant dans la poussière comme de vrais gavroches. Bien sûr, c’était loin du regard de maman, quand elle s’absentait toute la journée pour le service c’est-à-dire quand elle se rendait à l’hôpital maternité de Pobè. Car elle était sage-femme.

Sales et heureux, fiers de ressembler à la terre rouge du village, nous prenions alors d’assaut les rues, à l’heure où le soleil commençait à dorer le ciel, à l’heure où le grand marché commençait à peine à s’animer.

C’était cousin Prosper qui menait la troupe. Il connaissait par le menu les ruelles les plus secrètes du village. Avec lui, le jeudi, jour de repos pour les élèves et les écoliers, avait le goût d’aventures extraordinaires. Il nous avait dit ce matin-là que les eguns eguns allaient sortir.

Les eguns, ce sont les revenants. Des morts qui, du retour de leur séjour, viennent rendre visite à nous, les humains. Ils ont le corps toujours couverts de beaux habits et le visage masqué de petites perles. Difficile de les identifier. D’ailleurs, où a-t-on vu, sous quels cieux a-t-on déjà vu et reconnu un mort ? Si les eguns se manifestent périodiquement en public, c’est qu’ils veulent dire à nous autres, vivants, de continuer de veiller sur eux et de ne jamais cesser de les honorer. Ce sont des êtres sacrés, des voduns, que les gens vénèrent parce qu’ils ont, paraît-il, des pouvoirs puissants.

 

 

Autres œuvres

* Notre pain de chaque jour,   1998

* L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes, 2000

* Notre pain de chaque nuit,  2000.

* Charly en guerre,  2001.

* La diseuse de mal-espérance, 2001

* La Sirène qui embrassait les étoiles,  2003

 

 

Questions :

1. Comment le narrateur et ses amis sont-ils appelés par les petits enfants de Pobé ?

2. En quoi les eguns eguns sont ils représentatifs de la tradition africaine ?

3. Ou se déroule l’action principale ?

4. Pourquoi la terre rouge est une chose importante pour le narrateur?

 

Résumé de l’enfant aux pieds rouge:

« L’enfant aux pieds rouges », est une nouvelle écrite par Florent Couao-Zotti. Trois enfants, cousins, sont, dans leur village, insultés par les autres enfants parce qu’ils portent des chaussures, et les autres enfants non. Pour ressembler aux autres enfants, ces trois-là vont gambader les pieds nus dans la poussière rouge du chemin. Ils le font lorsque leur mère, qui est sage-femme, travaille. Ils veulent ressembler à dehors, à la poussière rouge du village, ils ne sont pas d’accord avec cette mère qui veut,  que des enfants ne portent pas la couleur de dehors. Ces trois enfants veulent suivre Prosper, leur cousin, dans les ruelles les plus secrètes du village, pour aller voir les revenants, ces morts qui veulent dire aux humains de ne jamais cesser de les honorer. La sortie de ces revenants est toujours une fête pour le village. Ce matin-là, le garçon qui, plus tard, fera le récit de cette aventure, saute les marches comme si en bas il allait prendre un trésor qui lui serait destiné, et suit son cousin jusqu’au cœur de la forêt, là où il y a le couvent de ces revenants. En quelque sorte, ils vont violer un secret. Des sons tristes puis un cri se font entendre. Les garçons se cachent. Des buissons, ils voient surgir un jeune garçon poursuivi par des hommes. Ils le plaquent à terre, il doit subir la punition réservée aux curieux qui ont violé un interdit. Car on ne vient pas dans le couvent des revenants sans être initié. Sur son tee-shirt, le jeune garçon porte inscrit : « N’aie pas peur du monde, enfant. » Il urine sur lui de peur, les hommes se moquent de lui. Les garçons en embuscade ont reconnu le grand frère d’un de leur camarade. Ainsi, il a voulu connaître le secret ? Mais il n’a pas pu passer sans accepter l’initiation par les aînés…S’intégrer à la communauté humaine ne peut se faire sans, d’abord, prendre acte de l’existence des aînés, et du passage du temps. Les aînés ne sont pas encore dans l’autre monde, d’où ils reviendraient de temps en temps…Les garçons cachés se font repérer. Quarante coups de fouet marquèrent leurs fesses, et bien sûr ils ne se plaignirent pas à leurs mère car pour eux ces marques les rendaient adultes.

 

Sources :

L’enfant aux pieds rouges. 2008,

Paris, nouvelles issue d’Enfances. Neuf écrivains racontent ou inventent un souvenir d’enfance. , recueil présenté par Jennifer WEINER et préfacé par MABANCKOU, éditions Pocket, collection     « Nouvelles voix », 152 pages, pages 41 à 43.

 

Contenu – Lettre d’infos

© Synthèse et analyse critique, Audrey ADEHOSSI & Marina TOURÉ (2015, révision 2016)

→ Voir aussi des mêmes auteurs:

de Marina TOURÉ & Audrey ADEHOSSI

MANUEL DE LITTERATURE – Afrique(s), Africain: mythes représentations et légendes. Frantz Fanon, Peau noire, masques blanc.

Peau noire, masques blanc
(1956)
Frantz Fanon (1925-1961)

 

Biographie de l’auteur :
Héros de la lutte anti-nazie et figure de proue du combat contre le colonialisme, Frantz Fanon est né à Fort-de-France en Martinique dans un milieu aisé. Il est l’enfant illégitime d’un couple sang mêlé. Entre 1939 et 1943, il continue ses études au lycée Schœlcher où enseigne à ce moment la Aimé Césaire. Puis, n’étant pas d’accord avec le régime du maréchal Pétain, il se rend à Dominique pour rallier les Forces françaises libres de la région caraïbe. Quelques années plus tard il s’engage dans la rédaction de sa thèse, Peau noire, masques blancs, qui est publiée en 1952, l’année où il se retrouve à l’hôpital de Saint-Alban. Là, formé par François Tosquelles, il s’inscrit dans le grand courant de la psychothérapie institutionnelle, né en France avec la lutte anti-nazie. En 1953, il est nommé médecin-chef de l’hôpital de Blida en Algérie où il passera trois ans à soigner des malades mentaux dans le contexte de la guerre de libération nationale. En 1956 il se rend à Tunis et s’engager plus en avant dans le combat. En 1960, au moment où il rédige son grand livre, Les Damnés de la Terre. il se sait atteint d’une leucémie. Il meurt en décembre 1961 dans un hôpital de Washington, convaincu du caractère inéluctable de l’indépendance pour laquelle il a tant lutté.

Extrait
Ma vie ne doit pas être consacrée à faire le bilan des valeurs nègres.
Il n’y a pas de monde blanc, il n’y a pas d’éthique blanche, pas d’avantage d’intelligence blanche. Il y a de part et d’autre du monde des hommes qui cherchent.
Je ne suis pas prisonnier de l’histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée.
Je dois me rappeler à tout instant que le véritable saut consiste à introduire l’invention dans mon existence.
Dans le monde où je m’achemine je me créé interminablement.
[…] Vais-je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui d’être responsable des négriers du XVIIIe siècle ?
Vais-je essayer par tous les moyens de faire naître la Culpabilité dans les âmes ?
La douleur morale devant la densité du passé ? Je suis nègre et des tonnes de chaînes, des orages de coups, des fleuves de crachats ruissellent sur mes épaules.
Mais je n’ai pas le droit de me laisser ancrer. […] Je n’ai pas le droit de me laisser engluer dans les déterminations du passé.
Je ne suis pas esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes Pères.
[…] De plus, dans les rapports humains, le Noir peut se sentir étranger au monde occidental. Ne voulant pas faire figure de parent pauvre, de fils adoptif, de rejeton bâtard, va-t-il tenter de découvrir fébrilement une civilisation nègre ? […] Mais nous ne voyons absolument pas ce que ce fait pourrait changer dans la situation des petits gamins de huit ans qui travaillent dans le champs de canne en Martinique ou en Guadeloupe.
Il ne faut pas essayer de fixer l’homme puisque son destin est d’être lâché.
La densité de l’histoire ne détermine aucun de ses actes. […] Et c’est en dépassant la donnée historique, instrumentale, que j’introduis le cycle de ma liberté.
Le malheur de l’homme de couleur est d’avoir été « esclavagisé ».
Le malheur et l’inhumanité du Blanc est d’avoir tué l’homme quelque part.
Sont encore aujourd’hui d’organiser rationnellement cette déshumanisation. Mais moi, l’homme de couleur je ne veux qu’une chose :
Que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme où qu’il se trouve.
Le Nègre n’est pas. Pas plus que le Blanc.
Tous deux ont à écarter des voix inhumaines qui furent celles de leurs ancêtres respectifs afin que naisse une authentique communication. Avant de s’engager dans la voix positive, il y a pour la liberté un effort de désaliénation. Un homme, au début de son existence, est toujours congestionné, est noyé dans la contingence. Le malheur d’un homme est d’avoir été un enfant.
C’est après un effort de reprise sur soi et de dépouillement, c’est par une tension permanente de leur liberté que les hommes peuvent créer les conditions d’existence idéales d’un monde humain.
Supériorité ? Infériorité ? Pourquoi tout simplement ne pas essayer de toucher l’autre, de sentir l’autre, de me révéler l’autre ? […] Mon ultime prière :
Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! »

Résumé de l’œuvre :
La décolonisation faite, cet essai de compréhension du rapport Noir-Blanc garde toute sa valeur prophétique : car le racisme, malgré les horreurs dont il a comblé le monde, reste un problème d’avenir. Il est ici abordé et combattu de front, avec toutes les ressources des sciences de l’homme et avec la passion de celui qui allait devenir un maître à penser par beaucoup d’intellectuels du Tiers Monde.

 

Questions :
1- Que pensez vous de la citation suivante : « Je ne suis pas esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes Pères ».

2- Réfléchissez a cette citation:  « Vais-je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui d’être responsable des négriers du XVIIIe siècle ? »

3- En se référant a l’extrait pensez vous que la philosophie que le narrateur prône est réalisable a notre époque?

Source :
FANON (Franz), Peau noire, masques blancs. , Paris, 1952, Maspéro, réédition aux éditions Présence africaine, édition en 1971 au Seuil dans la collection « Point Essais », 188 pages.

 

Manuel de Littérature, Afrique(s), Africain(s): mythes, légendes et représentations: Gide, Voyage au Congo.

Manuel de Littérature, Afrique(s), Africain(s): mythes, légendes et représentations: Florent COUAO-ZOTTI, L’Enfant aux pieds rouges.

Manuel de Littérature, Afrique(s), Africain(s): mythes, légendes et représentations: CAMARA Laye, Le regard du roi.

 

CINÉMATHÈQUE VIRTUELLE – FICHES DE VISIONNAGE – « Michael MOORE, Capitalism : A Love Story, Etats-Unis, 2009 »

CINÉMATHÈQUE VIRTUELLE – FICHES DE VISIONNAGE

Michael MOORE, Capitalism : A Love Story, Etats-Unis, 2009

« This Time It’s Personal »

FICHE TECHNIQUE

MOORE (Michael), Capitalism: A Love story, 2009, Film documentaire américain de 126 minutes, avec Michael MOORE, et Shawn Wallace, 5 nominations, produit par Michael et Anne MOORE et distribué par Paramount Picture. Continuer la lecture de CINÉMATHÈQUE VIRTUELLE – FICHES DE VISIONNAGE – « Michael MOORE, Capitalism : A Love Story, Etats-Unis, 2009 »