« Non merci, à la manière de Cyrano. »
« […] Et que faudrait-il faire
Pour plaire aux colonialistes exploiteurs
N’épargner aucune bassesse, comme un menteur
Quelques dix ans, jour pour jour, en 1956
Renier tout ce que nous avions dit en 1946 ?
Non merci. Dédier comme tous ils le font
Des pamphlets aux démocrates, se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un colonialiste
Naître un sourire, enfin, qui ne soit triste ?
Non merci. Se pousser de courbette en courbette
Devenir un petit homme sans trompette
Le jour dire aux peuples : je lutterai pour vous
La nuit, à ses oppresseurs : je suis avec vous ?
Non merci. Exciter des tours de souplesse dorsale
Pour préparer une bonne petite sinécure électorale
Dire sans cesse : Oh, je ferai quelque chose de bon
Pourvu que je sois dans ce petit Palais Bourbon ?
Non merci. Calculer, être blême, avoir peur
Faire à la police le travail d’un indicateur
Rédiger des tracts anonymes pour plaisanter
Non merci ! Non merci ! Non merci ! Mais … chanter
Rêver, rire, revendiquer, être libre
Avoir l’œil qui regarde bien et la voix qui vibre
Regarder en face les abus et crier justice
Pour un oui, pour un non, se battre contre l’injustice
Accepter les sacrifices et toutes les souffrances
Contre la misère et l’oppression, lutter à outrance
Pour l’intérêt et le bien-être de la vie commune
Travailler sans souci de gloire ou de fortune.
. […] »
MAMANI (Abdoulaye), Œuvres poétiques. Poémérides. Éboniques. Préface à l’Anthologie de la poésie de combat. Premiers poèmes. , Paris, aux éditions L’Harmattan, introduction et notes de Jean-Dominique PÉNEL, 156 pages, « Non merci, à la manière de Cyrano », page 118.
ISBN 978-2-73842282-8