Exercice A – Analyse d’un document d’Histoire.
Les économies-monde successives (britannique, américaine, multipolaire)
Après avoir brièvement présenté le document et son contexte, vous montrerez dans quelles mesures ce document nous présente la nouvelle organisation économique mondiale, caractérisée dit-on par « une économie – monde multipolaire ». Vous montrerez également quelles sont, selon l’auteur, les limites de la mondialisation des économies.
Document : « Mondialisation et inégalités économiques. »
« […] La transition du communisme à l’économie de marché a été si mal gérée que partout sauf en Chine, au Vietnam et dans quelques rares pays d’Europe de l’Est, la pauvreté est montée en flèche et les revenus se sont effondrés. Pour certains, la solution est simple : abandonnons la mondialisation. Ce n’est ni possible ni souhaitable. La mondialisation a aussi apporté d’immenses bienfaits. C’est sur elle que l’Asie orientale a fondé son succès, notamment sur les échanges commerciaux et le meilleur accès aux marchés et aux technologies. C’est elle qui a permis de grands progrès en matière de médecine, et qui crée une société civile mondiale dynamique luttant pour plus de démocratie et de justice sociale. Le problème n’est pas la mondialisation. C’est la façon dont elle a été gérée. En particulier par les institutions économiques internationales, le FMI, la Banque mondiale et l’OMC qui contribuent à fixer les règles du jeu. Elles l’ont fait trop souvent en fonction des intérêts des pays avancés et non ceux du monde en développement. […] »
STIGLITZ (Joseph), La Grande Désillusion, 2002, Paris, aux éditions Fayard.
Correction
Exercice A – Analyse d’un document d’Histoire.
Les économies-monde successives (britannique, américaine, multipolaire)
Après avoir brièvement présenté le document et son contexte, vous montrerez dans quelles mesures ce document nous présente la nouvelle organisation économique mondiale, caractérisée dit-on par « une économie – monde multipolaire ». Vous montrerez également quelles sont, selon l’auteur, les limites de la mondialisation des économies.
Joseph STIGLITZ dans La Grande désillusion (2002) dresse un bilan de dix ans de mondialisation après la fin de la « Guerre froide » (1947-1991). Le contexte est particulièrement troublé : les attentats du 11 septembre 2001 (Contre New York et Washington) ont montré la violence des sentiments antiaméricains, les États-Unis étant montré comme les principaux profiteurs d’une mondialisation libérale sensée les enrichir au détriment du reste du monde, paupérisé et acculturé. STIGLITZ dresse un constat nuancé : libéral il se montre favorable à la mondialisation même s’il reconnaît que les institutions censées la réguler l’ont fait au profit des pays riches et industrialisés. Nous verrons dans quelles mesures on peut dire à la suite de Joseph STIGLITZ que c’est la gouvernance mondiale qui est responsable des inégalités économiques engendrées à l’échelle mondiale par la globalisation ?
Joseph STIGLITZ (Prix de la Banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred NOBEL, 2001) dresse un constat très nuancé de dix ans de libéralisation des économies (1991-2001). Selon lui la mondialisation libérale a entraîné un accroissement des inégalités dans le monde (« […] La transition du communisme à l’économie de marché a été si mal gérée que partout sauf en Chine, au Vietnam et dans quelques rares pays d’Europe de l’Est, la pauvreté est montée en flèche et les revenus se sont effondrés […] », lignes 1 à 3). Mais ce n’est pas du fait de la mondialisation elle-même mais plutôt de sa gouvernance (« […] Le problème n’est pas la mondialisation. C’est la façon dont elle a été gérée […] », lignes 7 et 8), essentiellement par les institutions héritées de Brettons Wood (1944) comme le Fonds Monétaire International (Washington, FMI) et la Banque Mondiale (World Bank Group, Washington, WBG) ou l’Organisation Mondiale du Commerce (Genève, OMC). Pour STIGLITZ ces institutions sont le jouet des grandes puissances industrialisées (« […] les institutions économiques internationales […] qui contribuent à fixer les règles du jeu […] l’ont fait trop souvent en fonction des intérêts des pays avancés […] », lignes 8 et 9). Récusant les solutions radicales des antimondialistes et des altermondialistes (« […] Pour certains, la solution est simple : abandonnons la mondialisation […] », ligne 3) qu’il balaye d’un revers de main péremptoire (« […] Ce n’est ni possible ni souhaitable […] », lignes 3 et 4) il rappelle les bienfaits de la mondialisation : l’émergence et l’affirmation du pôle asiatique (« […] C’est sur [la mondialisation] que l’Asie orientale a fondé son succès, notamment sur les échanges commerciaux et le meilleur accès aux marchés et aux technologies […] », lignes ) qui permet d’ailleurs de parler d’une économie-monde multipolaire, et plus généralement de progrès sociaux (« […] C’est elle qui a permis de grands progrès en matière de médecine […] », lignes 5&6) et moraux (« […]qui crée une société civile mondiale dynamique luttant pour plus de démocratie et de justice sociale […] », lignes 6 et 7). Incontestablement les 50 années de mondialisation progressive (1945-1995) sont marquées par l’émergence de nouveaux pôles. En Asie particulièrement le Japon (Qui se réindustrialise dans les années 1960-1970), les Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie de 1ère génération (Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour, les NPIA-1) et de 2e génération (NPIA-2 comme la Malaisie, la Thaïlande, l’Indonésie et les Philippines) ont connu des croissances exceptionnelles qui ont permis aux NPIA-1 de rentrer dans le « Nord économique ». Mais c’est oublier – à dessein ? – que ces pays en menant des stratégies de développement par substitution des importations ont bénéficié de mesures protectionnistes et d’un considérable allègement des charges militaires grâce au « parapluie américain ». Conditions que n’ont pas eu les NPIA-2 (par ailleurs très fragiles) ni les autres pays du Sud. Quant à la Chine (Fermée pendant son industrialisation 1949-1979), ou l’Inde, elles ont mené des politiques résolument antilibérales avant d’entrer dans le commerce dérégulé. C’est donc en libéral classique que Joseph STIGLITZ conclue sur la responsabilité des institutions de régulation (« […] Le problème n’est pas la mondialisation. C’est la façon dont elle a été gérée […] par les institutions économiques internationales […] », lignes 6 et 7) et non sur la responsabilité du libéralisme lui-même. Cette analyse est en partie juste : ces trois institutions sont dirigées par des fonctionnaires venus systématiquement d’Europe ou des États-Unis : Pascal LAMY dirige l’OMC, Christine LARGARDE dirige le FMI, tous deux sont Français. Mais STIGLITZ (Ancien économiste en chef de la Banque mondiale) oublie de dire que les chefs d’États des pays pauvres et les fonctionnaires qu’ils envoient dans ces institutions sont aussi des libéraux, convaincus que le « laisser faire » conduit au développement de tous sur le long terme. L’opposition n’est pas tant une opposition quasi ethnique entre des Occidentaux profiteurs et des habitants sont Sud spoliés, mais entre classes sociales, genres et professions favorisées face à tous les autres, plus ou moins perdants.
Pour Joseph STIGLITZ la mondialisation libérale est un phénomène positif car le marché est capable de s’autoréguler et de générer mécaniquement de la croissance : 6 ans plus tard la crise des subprimes et des dettes souveraines allaient remettre sérieusement en doute ces deux convictions.
© Erwan BERTHO
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BACCALAUREAT GENERAL BLANC N°4 2012-2013 Série S
Exercice A Analyse d’un document Mondialisation et inégalités STIGLITZ