Thème introductif – Les enjeux du développement durable.
Question 1 : « Du développement au développement durable. »
Étude critique d’un document de Géographie – Corrigé
Sujet – De nouveaux besoins pour plus de 9 milliards d’hommes en 2050.
Document 1. « L’explosion démographique au Niger depuis l’indépendance politique (1960). »Document 2. « Les pays ciblés par l’ONU comme prioritaires en termes de réception d’Aide Publique au Développement (APD) afin d’atteindre les Objectifs Du Millénaire (ODM). »
Depuis le rapport Meadows (Halte à la croissance !, Club de Rome, 1972) l’idée que le mode de développement des Pays Anciennement Industrialisés (PAI) n’est ni soutenable ni duplicable s’est progressivement imposée. Le rapport BRANDT (Nord – Sud, un programme de survie, 1980, CNUCED) qui fait des inégalités de richesses la nouvelle ligne de fracture géopolitique mondiale, et le rapport BRUNTDLAND (Notre avenir à tous. 1987, ONU) qui élabore une définition consensuelle du développement durable (Assurer les besoins fondamentaux actuels sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs), ont mis l’accent sur la nécessité conjointe de diffuser plus équitablement les richesses tout en veillant à protéger les ressources globales.
Les deux documents présentent deux aspects de cette question. Ils émanent tous deux de sources fiables et relativement récentes (2008) : la Banque mondiale (World Bank Group) pour le premier, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) pour le second, issu du Rapport mondial sur le développement humain. « L’explosion démographique au Niger depuis l’indépendance politique (1960). » est constitué de deux histogrammes qui montrent la très forte croissance de la population du Niger et la très légère diminution de l’indice de fécondité de ses femmes. « Les pays ciblés par l’ONU comme prioritaires en termes de réception d’Aide Publique au Développement (APD) afin d’atteindre les Objectifs Du Millénaire (ODM). » est une carte de projection de Robinson qui révèle que les pays prioritaires sont les pays enclavés (Asie centrale) et les pays d’Afrique subsaharienne.
Dans quelles mesures peut-on affirmer que ces deux documents permettent de comprendre les enjeux du développement durable en situation de transition démographique ?
Le Niger est un pays d’Afrique subsaharienne en phase de transition démographique : c’est aussi un pays très pauvre et souvent dernier en termes de mesure du développement (I). À l’échelle mondiale, le développement durable représente un défi pour tous les pays (II) que seule une réponse globale peut espérer relever.
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Le cas du Niger est symptomatique des enjeux du développement durable : le pays est en forte croissance démographique, sa croissance économique ne permet pas d’assurer les besoins fondamentaux et rien ne laisse présager qu’il pourra faire face aux besoins futurs de ses habitants. En conséquence il bénéficie d’une attention soutenue de la part des grandes Organisations Intergouvernementales (OIG).
La population du Niger a été multipliée par 15 en 50 ans d’indépendance, passant de 1 million en 1960 à 15 en 2008, soit une croissance de 315 000 habitants par an en moyenne entre 1960 et 2008, puis de 15 à 18 millions en 2015 soit une croissance de 430 000 habitants par an en moyenne selon les données des derniers recensements officiels. Même si une partie de la croissance de la population ces dernières années est un effet d’optique statistique dû à l’amélioration de l’enregistrement des naissances en zones rurales, il n’en reste pas moins que la croissance démographique de 3,5% par an représente pour n’importe quel pays un défi énorme. Cela représente un doublement de la population totale tous les 18 ans, tandis que la population nigérienne doublait tous les 22 ans au début des années 2000. Pourtant, paradoxalement, l’indice de fécondité des femmes nigériennes diminue, mais très légèrement il est vrai : en 1960 lors de l’indépendance, une femme nigérienne avait en moyenne dans sa vie 8 enfants, 50 ans après elle n’en fait plus que 7. Derrière ces moyennes se cachent de fortes disparités entre les zones rurales et les villes, entre les familles éduquées et diplômées et les classes populaires. Ce qui est à l’œuvre c’est la transition démographique (Passage d’un équilibre démographique ancien marqué par une forte mortalité et une forte natalité à un équilibre nouveau marqué par de faibles mortalité et natalité) : entre la chute de la mortalité et celle de la natalité plus tardive la population explose : c’est ce qui se passe au Niger qui n’a pas encore achevé sa transition.
Si l’explosion démographique est en soi un défi majeur pour le Niger, la situation socio-économique du Niger est inquiétante : c’est un des pays les plus pauvres de la planète (Avec un Produit Intérieur Brut, PIB, de 7,5 milliards de dollars), un des dernier en termes de développement humain (Mesuré selon l’Indice de Développement Humain, IDH, calculé par le PNUD), et 90% de la population est pauvre selon l’Indice de Pauvreté Multidimensionnelle (IPM). En conséquence, l’ONU a ciblé le Niger comme absolument prioritaire pour la réception de l’Aide Publique au Développement (APD) : les Objectifs Du Millénaire (ODM, New York, 2000) se proposent de guider les politiques publiques afin de garantir des droits humains fondamentaux (Santé, scolarité, égalité hommes-femmes, préservation de l’environnement…) à l’ensemble des habitants de la planète. Le Niger est encore très loin d’atteindre les objectifs : moins de 3% des filles d’une génération accèdent à l’université, le système scolaire est encore défaillant (World Development Report, WDR, 2018, Banque mondiale, Apprendre pour réaliser la promesse de l’éducation), le système de santé touche peu les zones rurales, et la situation sécuritaire s’est dégradée avec les exactions du groupe terroriste Boko Haram dans l’Est du pays et les groupes affiliés à Al-Qaïda ou l’État Islamique dans l’Ouest du pays à la frontière avec le Mali. Dans ces conditions, les préoccupations environnementalistes paraissent secondaires : les forêts ont disparu, sous l’effet conjugué de l’extension des parcelles cultivées (due à l’épuisement des sols) et la coupe à des fins d’habitat ou de cuisine.
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À l’échelle mondiale, si les équilibres démographiques ne sont pas partout menacés de la même manière, concilier croissance des richesses, préservation des équilibres environnementaux et diffusion du développement humains se posent avec la même acuité.
La population mondiale comptera 9 milliards d’êtres humains en 2050. La croissance de la population mondiale s’est ralentie depuis le début du XXIe siècle, preuve que la transition démographique est en voie d’achèvement dans un grand nombre de pays. L’indice de fécondité mondial est de 2,5 enfants par femme, il sera de 2 en 2050. Pour autant la situation est très contrastée en fonction des régions du monde. En Europe occidentale, en République Populaire de Chine (RPC), au Japon et dans les Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie de 1ère génération (NPIA-1), la population va diminuer : elle va continuer à vieillir et la part des jeunes à se restreindre, entraînant de graves problèmes notamment en termes de paiement des retraites ou d’innovation scientifique plus facile dans les pays jeunes. Dans les Pays les Moins Avancés (PMA), comme en Afrique subsaharienne (Notamment la Bande Sahélo-Saharienne, BSS, et l’Afrique centrale) la population continue de croître à un rythme difficilement soutenable. La croissance aussi reste forte en Asie du Sud-Est, au Moyen et au Proche-Orient. Ces sociétés sont restées massivement patriarcales et les filles peu scolarisées y sont mariées jeunes. L’allongement des années de scolarisation des filles, et donc le recul mécanique de l’âge du mariage et du 1er enfant, sont des moyens pour les États confrontés à des pouvoirs religieux forts de lutter contre la croissance démographique incontrôlée. Les pays les plus pauvres de la planète sont à la fois démunis face aux impératifs de la croissance (Créer des richesses) que face aux enjeux du développement durable (Ménager les ressources) : en effet la mondialisation libérale des économies les cantonne à un rôle peu rémunérateur d’exportateurs de matières premières énergétiques et minières (Uranium, charbon, pétrole pour le Niger) ou agricole (Cheptel ovin et oignons pour le Niger) alors qu’ils subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique : désertification, réduction de la saison des pluies, appauvrissement des sols, conflits meurtriers pour l’accès à l’eau.
L’ONU pilote depuis le Sommet de Kyoto (Japon, 1992) une ambitieuse politique de développement durable. Les COP XXI (Paris) et XXII (Marrakech) ont vu un nombre important de pays s’engager sur des objectifs communs de lutte contre le changement climatique. Des régions du monde sont d’ores et déjà engagées avec succès dans des politiques de transition vers une « économie verte » : la Californie a développé un parc d’éoliennes off shore, la Chine est leader dans la production de panneaux solaires, et impose aux constructeurs automobiles de proposer 30% de véhicules électriques ou hybrides à partir de 2019. Pour éviter une fracture Nord-Sud fondée sur l’inégal engagement vers la transition écologique, l’ONU via les ODM, tente d’orienter la solidarité financière des populations du Nord vers les projets de développement humain et économique respectueux des équilibres environnementaux. Pourtant des pays comme le Niger, aux ressources fossiles importantes, sont contraints d’adopter des politiques de développement qui obéissent aux impératifs du développement durable, donc sans faire appel à ses ressources en charbon par exemple, alors même que les besoins fondamentaux en énergie ne sont pas satisfaits : seuls 12% de la population nigérienne est directement raccordée au réseau électrique. Si la mise en place par l’ONU d’une politique volontariste de développement durable est positive, et si ses efforts pour orienter les APD vers les pays les nécessiteux est une salutaire alors que le montant de ces aides baissent chaque année, le développement durable ne peut pas se faire au détriment du développement humain : et dans les pays pauvres, l’ONU, la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) soutiennent trop souvent des projets certes respectueux de l’environnement mais peu créateurs de richesses car les projets de développement énergétiques ou industriels jugés trop polluants ne sont pas financés par ces organismes.
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Les deux documents montrent à travers le cas du Niger en transition démographique que le développement durable est une nécessité: pourtant l’adoption par l’ONU d’une politique globale unique prive les pays les plus pauvres d’une partie des ressources capables d’assurer leur développement économique.
© Erwan BERTHO (2017)
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