PRÉPA BAC – HORIZON ÉTUDES SUPÉRIEURES
Sujets corrigées – AMSUCA 2014 – Études critique de documents de Géographie
DEUXIÈME PARTIE – GÉOGRAPHIE
Étude critique de documents
Sujets – Tanger, un territoire dans la mondialisation.
Consigne : En vous appuyant sur les documents, montrez que la région de Tanger est intégrée à la mondialisation. Ces deux documents permettent-ils de rendre compte de l’ensemble des effets de la mondialisation sur les territoires et les sociétés ? Justifiez votre réponse.
La mondialisation interconnecte les territoires à l’échelle mondiale, et, partant, les met en concurrence les uns avec les autres. Mais tous les territoires ne sont pas également intégrés à la mondialisation : certains territoires et certains espaces sont privilégiés. C’est le cas à l’échelle mondiale des pôles de la Triade (Amérique du Nord, Asie de l’Est et Europe de l’Ouest), des Zones Industrialo-portuaires (ZIP) à l’échelle régionale, des métropoles connectées (Archipel Métropolitain Mondial, AMM, DOLLFUS, 1996) à l’échelle continentale, ou des centres des aires urbaines à l’échelle locale, par exemple.
Dans quelles mesures peut-on affirmer que les deux documents, l’extrait d’un article économique (Econostrum, 2012) et la carte à l’échelle régionale du détroit de Gibraltar (Nord du Maroc, Sud de la péninsule ibérique) permettent de montrer que la région de Tanger, à travers l’étude du cas de l’implantation de Renault-Nissan, est intégrée à la mondialisation ?
Les deux documents montrent l’intégration économique de la région de Tanger à la mondialisation (I.) et en donnent, en partie, la mesure des effets (II.) sur les sociétés et les territoires.
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Tanger est intégré à la mondialisation, d’abord par les investissements (1) qui sont réalisés par les Firmes Transnationales (FTN) comme Renault, par les flux de communication de toutes natures qui relient le Maroc, des villes essentiellement, à l’Europe de l’Ouest (2).
Les investissements de Renault au Maroc sont conséquents et anciens (1959) : « […] À Casablanca, le fabricant français possède déjà avec la Somaca un site d’assemblage dont il contrôle 80% du capital. […] » (Lignes 1 à 3). L’entrée dans le capital d’une société d’assemblage et de commercialisation s’explique par la position de leader du marché automobile qu’occupe Renault-Nissan : avec 36% des parts de marché au Maroc, Renault est le 1er opérateur automobile du royaume chérifien. Les Investissements Directs Étrangers (IDE) de Renault se concentrent maintenant non plus sur la capitale économique (Casablanca) ou sur des activités liées au marché intérieur (L’assemblage et la commercialisation) mais sur la construction d’un site de production et d’exportation. Quel plus bel exemple d’insertion dans la mondialisation peut-on donner que celui d’une entreprise franco-japonaise (Renault-Nissan), installant au Maroc une unité de production d’une filiale roumaine (Dacia) destinée à l’exportation en Europe méditerranéenne (Pour près de 85% des modèles exportés, ligne 17) ? Les investissements sont motivés par le succès de la marque Dacia (Ligne 13), low cost de Renault (« […] Avec Dacia, nous nous attaquons au marché de l’occasion. Cette marque connaît une croissance exceptionnelle. Pour répondre à la demande, il nous fallait un second site […] », ligne 18). Ces investissements sont conséquents : 1,1 milliards d’€ pour la construction de l’unité de production (Ligne 7), 45 milliards d’€ pour l’aménagement du site (Lignes 7 & 8), avec une production annuelle de 170 000 véhicules (Ligne 14) soit 60 par heure (Ligne 16), pouvant porter jusqu’à 350 000 véhicules par an (Ligne 15). Les IDE apportés par Renault vont permettre à cette Firme Transnationale (FTN) de produire à moindre coût des modèles vendus essentiellement en Europe de l’Ouest dans les 1ères gammes de prix. Les sites de production roumains étant saturés, Renault visant désormais une clientèle méditerranéenne, le choix du Maroc a été dicté par des considérations salariales mais aussi fiscales : en effet le gouvernement marocain a fait de Melhoussa une « zone franche » (Légende de la carte), c’est-à-dire faisant exception à la loi fiscale commune : « […] Pour attirer le fabricant automobile, le royaume marocain a déroulé le tapis rouge : l’usine bénéficie de cinq ans d’exonération d’impôts, d’infrastructures de transports dopée […] » explique l’auteur de l’article, Gérard TUR (Lignes 25 à 28).
L’intégration de la région de Tanger à la mondialisation ne se mesure pas seulement pas les montants des IDE : elle se mesure également par les flux et par l’insertion du Maroc dans la gamme moyenne de la chaîne de production industrielle. En effet Gérard TUR, l’auteur de l’article, souligne le faible nombre d’expatriés de Renault qui va accompagner le projet (« […] dont seulement une trentaine d’expatriés et 150 experts étrangers venus assurer des missions ponctuelles […] », lignes 22 et 23), témoignant ainsi de la capacité du Maroc à fournir des cadres et des agents de maîtrise qualifiés pour un investissement qui donne du travail à près de 4 000 employés, 6 000 une fois que les capacités de production auront atteint leur maximum. Le Maroc n’est donc pas seulement un territoire attractif pour ses faibles coûts salariaux ou ses exemptions fiscales, attraits qui le mettent en concurrence avec la quasi-totalité des pays du Sud, mais aussi pour sa main d’œuvre qualifiée, capable d’accompagner des projets de grande ampleur. Gérard TUR souligne que l’intégration du Maroc dans la mondialisation se manifeste aussi par la volatilité des investissements et des flux d’IDE liée à la conjoncture économique : « […] Le projet Melloussa a été revu à la baisse, crise oblige […] » (Lignes 10 & 11). Il s’agit de la crise (2008) dite des « subprimes » venue des États-Unis et celle (2009) dite des « dettes souveraines » venue de l’Union Européenne et de ses périphéries (Islande), toutes deux ayant fortement contracté la demande mondiale. Le Maroc en effet est fortement connecté au Reste Du Monde (RDM) : interface entre l’Afrique (et ses matières premières stratégiques mais aussi demandeuse de produits alimentaires qui transitent par les voies sahariennes) et l’Europe de l’Ouest, importatrice de produits bruts, exportatrices de services et de produits manufacturés. Le Maroc est au débouché de la Mer Méditerranée via le détroit de Gibraltar (Tanger est donc sur l’une des voies maritimes les plus fréquentée du monde, située sur l’un des passages maritimes stratégiques les plus importants de la planète…). La région de Tanger est par ailleurs particulièrement bien desservie : la carte le montre. Un lacis de voies ferrées, de routes, d’aéroports raccordent Melloussa à Tanger et aux terminaux du hub maritime de Tanger Med. Cette Zone Industrialo-portuaire (ZIP) compte trois extensions sur la façade atlantique du Maroc entre Ceuta et Tanger. Un terminal de 13 hectares (Ligne 32) est d’ailleurs réservé à Renault pour l’exportation des Dacia Logan et Dacia Lodgy, via une voie ferrée réservée et d’un accès direct à Tanger Med. Casablanca, la capitale économique du Maroc et qui aspire à devenir la capitale financière et tertiaire du continent africain est à moins de 350 kilomètres (km) de Tanger (cf., Carte, document 2).
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Les deux documents permettent de comprendre les effets principaux de la mondialisation sur les territoires (1) comme sur les sociétés (2), que ces effets soient positifs ou négatifs.
Les investissements de Renault dans la région de Tanger transforment les territoires. Dans leur paysage d’abord : les collines du Rif sont aplanies, 9 millions de mètres (m3) ont été déplacés (Pour un montant de 45 milliards d’€ (Lignes 7 et 8). les effets écologiques sont évidemment néfastes, que ce soit en termes de biodiversité, de protection des milieux humains et naturels. Le territoire de la région de Tanger est également profondément réaménagé par les investissements de Renault-Nissan et leurs effets induits. Les axes de transports sont densifiés : la carte (Document 2) le monde en soulignant le nouveau maillage ferroviaire et routier, dont la voie ferrée qui relie Tanger Med et Melloussa. Chrafat, une ville nouvelle construite aux alentours de Melloussa est un autre exemple d’aménagement des territoires. L’État marocain est le principal acteur de ces aménagements. Les aménagements vont dans le sens d’un raccordement plus étroit de la région de Tanger avec le RDM, essentiellement entre l’intérieur des terres, donc des territoires ruraux, et le littoral (à l’échelle locale), de la région de Tanger avec le Sud de la péninsule ibérique à l’échelle régionale. Si Renault-Nissan s’est imposé au Maroc avec la commercialisation des Dacia (28% des parts de marché, contre 10% pour Renault-Nissan), l’usine de Tanger vise la clientèle des pays du Maghreb, du Moyen Orient et du Nord de l’Afrique (MENA) : les voies de communication sont donc un élément clé de l’attractivité des territoires. Le phénomène s’observe sur l’ensemble des littoraux, territoires privilégiés de la mondialisation et premiers témoins de ses effets induits. Si les deux documents abordent la question de l’attractivité fiscale des territoires, ils n’abordent pas deux autres éléments importants dans l’attractivité des territoires qui sont le « climat des affaires », c’est-à-dire l’existence d’un droit des affaires stable et transparente, et des outils de règlements des contentieux (Juristes, magistrats compétents…). Ils n’abordent pas non plus l’aspect sécuritaire, une dimension de la domiciliation des investissements de plus en plus discriminante. Les deux documents ne présentent guère le ressenti de la population, une photographie du chantier aurait pu permettre de se rendre compte des modifications opérées sur le territoire originel. Le ton des deux documents n’est pas très critique et vise rapidement au prospectus d’entreprise. Si l’usine a été conçue pour ne générer ni rejet carbone ni rejet industriel polluant, les extraits choisis de l’article de Gérard TUR ne le disent curieusement pas. Pourtant, la question de la pollution générée par les localisations industrielles est importante : la localisation des industries textiles en Asie du Sud (Bangladesh, Sri Lanka) s’explique aussi par le désintérêt des autorités pour le respect des normes environnementales, des conditions de travail ou de la santé des ouvriers. Mais le Maroc n’est pas le Bangladesh).
Les effets de la mondialisation se ressentent aussi sur les sociétés. La carte permet de voir les deux effets sur les sociétés d’une insertion accrue dans la mondialisation : sa métropolisation (Et les investissements de Renault-Nissan se font entre deux métropoles nationales de poids, Tanger et Tétouan, et en créent une de toute pièce, Chrafat au Sud de Melloussa) et sa littoralisation (Et les trois extensions de Tanger Med sont là pour illustrer la littoralisation des activités économiques au Maroc (Sans parer du fait que la capitale économique, Casablanca, est elle-même en bord de mer…). De ce point de vue, le cas marocain est emblématique des transformations sociales et spatiales des sociétés qui se mondialisent. Les investissements de Renault si l’on en croit l’article de Gérard TUR, ont de nombreux effets positifs : les créations d’emplois par exemple, près de 4 000 immédiatement, 6 000 à terme, soit près de 30 000 emplois indirects. Ces emplois sont aussi des emplois qualifiés : le faible nombre d’expatriés à demeure (Une trentaine) en donne un aperçu. La mise en place d’un Institut de Formation des Métiers de l’Industrie Automobile (IFMIA) sur le site de production de Renault (Lignes 27 & 28) mais destiné par la suite à profiter à l’ensemble des acteurs du secteur (Lignes 30 et 31) financé par l’État marocain témoigne du souci des autorités d’utiliser les logiques libérales de la mondialisation pour accompagner la montée en gamme de l’industrie marocaine. L’objectif est le même que celui que poursuivait la République Populaire de Chine (RPC) lors de la mise en place de la politique des « Quatre modernisations » (DENG Xiaoping), assurer de l’emploi de plus en plus qualifié, accueillir des sites industriels qui sont autant de pôles de transferts de compétences, recevoir des flux d’IDE qui financeront en partie le décollage industriel national. L’automobile est maintenant un secteur industriel ancien, mais foyer de développement industriel, ce qu’on appelait (ROSTOW, 1956) les « industries industrialisantes ». L’exemple du développement économique de la Chine, passée en 30 ans du statut de pays en développement à celui de 2ème puissance commerciale et industrielle mondiale est là pour soutenir les choix stratégiques des autorités marocaines. C’est pourtant bien évidemment le coût horaire de la main d’œuvre (5€ toutes charges comprises contre 30€ en France, soit six fois moins cher !) qui a été déterminant pour la localisation de l’usine. D’ailleurs l’usine de Renault-Nissan à Tanger-Melloussa est très peu mécanisée et est conçue pour profiter d’une population jeune, abondante et peu regardante sur les salaires. L’article n’aborde pas l’une des conséquences sociétales majeures de l’insertion dans la mondialisation : la marginalisation puis la disparition de la paysannerie, avec elle progressivement du monde rural alors que les campagnes se vident. L’article ne nous dit pas si ces ouvriers sont des hommes ou des femmes pour qui cet emploi constitue encore un salaire d’appoint ce qui facilite les propositions de bas salaires…
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Les extraits proposés de l’article du directeur de la rédaction d’Econostrum, Gérard TUR, restent assez laudateurs et bien peu critiques. La carte vient appuyer les propos du journaliste sans, elle aussi, mettre trop en lumière les limites humaines et économiques de cette insertion libérale dans la mondialisation. À l’échelle locale, la frontière fermée de Ceuta, territoire espagnol enclavé au Maroc, rappelle que l’insertion culturelle et économique dans la mondialisation se double rarement d’une liberté de circulation aussi grande que celle qui est accordée aux marchandises ou aux capitaux. Les deux documents ne soulignent sans doute pas assez combien la stratégie d’attractivité du Maroc le laisse très dépendant des capitaux étrangers, assez volatiles. Les deux documents enfin ne rappellent pas assez combien cette stratégie de développement industriel n’a réussi qu’aux États qui se sont fermés économiquement même partiellement au monde (Chine, Inde, Japon, NPIA-1), et qu’elle a été un échec pour tous les autres, comme les NPI d’Amérique du Sud (Argentine, Chili) et les NPIA-2 (Malaisie, Indonésie, Philippines, Thaïlande).
© Erwan BERTHO (juin 2016, 2017, révision 2019)
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Tanger un territoire dans la mondialisation
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