2de – HISTOIRE (13), La « Glorieuse révolution » et les fondements de l’État moderne en Angleterre.
VOLTAIRE a 39 ans quand il fait paraître à Londres les Letters Concerning the English Nation (1733, ce sont les Lettres philosophiques) : en y analysant ces deux années d’intenses expériences intellectuelles en Angleterre, il y dit aussi son admiration pour cette « terre de liberté », cette « nation de philosophes ». Comment expliquer cette fascination des philosophes des « Lumières » pour le modèle anglais ?
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Le modèle anglais fondé sur la liberté de la presse, du commerce et le rôle éminent accordé au Parlement pour limiter l’arbitraire royal est issu d’une longue tradition de défense des libertés collectives et individuelles. La Magna Carta (« Grande charte ») accordée initialement par JEAN II PLANTAGENÊT (1215, puis 1297, 1354) avait consacré les libertés des seigneurs et des corporations contre les agents du roi. Le texte avait ensuite servi de base pour la rédaction de la Pétition des droits (1628) initiée par le Parlement et acceptée par CHARLES Ier qui interdisait les arrestations arbitraires pour raison d’État, réservait au Parlement la détermination et la levée de l’impôt, et restreignait les prérogatives militaires et fiscales du roi. L’Habeas corpus (1679) avait étendu aux bourgeois les protections judiciaires contre l’arbitraire royal accordées par la Magna Carta aux barons. La « Glorieuse Révolution » (1688-1689) consolide les acquis antérieurs, notamment par l’adhésion sans trop de réserve des monarques au modèle de régime parlementaire : Le Bill of Rights (« Déclaration des droits », 1689) consacre la liberté d’expression, les élections libres, régulières et transparentes et l’autorité du Parlement. L’Acte d’établissement (1701) qui exclut les catholiques du trône et les deux Parliament Acts (1911, 1949), qui consacrent la prééminence de la Chambre des Communes sur la Chambre des Lords, complèteront ce qu’on nomme le « modèle britannique ».
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La Glorieuse Révolution (1688-1689) continue donc un processus politique ancien qui aboutit à la mise en place d’une monarchie parlementaire, l’une des plus libérales d’Occident. L’invasion de l’Angleterre par Guillaume III de Orange-Nassau, Stathouder des Provinces Unies (1688) à la tête d’une armée protestante nombreuse entraîne la chute de la monarchie catholique des STUARTS. Appelé par le Parlement d’Angleterre, GUILLAUME III accepte de signer la Déclaration des droits (1689) qui permet la mise en place d’une véritable monarchie parlementaire : l’acceptation par les souverains britanniques de la Déclaration des droits provient de leur situation bancale et précaire de souverains étrangers dans un pays qui a connu deux révolutions (1642, 1688) et décapité un de ses rois (Charles Ier, 1649), mais aussi de la volonté de GUILLAUME III de devenir roi de plein exercice. La Déclaration des droits permet des avancées considérables : la liberté d’expression est assurée (Droit de pétition), la protection contre l’arbitraire étendue (Interdiction des cautions excessives et des peines cruelles), le fonctionnement du Parlement est démocratisée (Liberté des élections à la Chambre des Communes), le rôle du Parlement renforcé (Interdiction de suspendre les lois, réunion régulière du Parlement obligatoire, interdiction de poursuivre les députés pour les propos tenus à la Chambre). L’arbitraire royal est contenu ; tout acte du roi doit être contresigné par le Parlement, le gouvernement, enfin, doit correspondre à la composition du Parlement.
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Pour autant, la monarchie parlementaire britannique est loin d’être une démocratie au sens contemporain du terme : les Catholiques, les dissidents protestants (Comme les Puritains qui s’exilent en Nouvelle-Angleterre), sont persécutés, et les anciens partisans des derniers STUART (CHARLES II et JACQUES II) sont exclus de la vie politique. On a présenté volontiers la « Glorieuse révolution » comme une révolution pacifique, mais les combats ont été meurtriers et, en Irlande, la répression est féroce : les Irlandais catholiques sont souvent dépossédés de leurs terres et contraints à l’exil. Ce sont surtout les pauvres qui restent les perdants d’un demi siècle de révolution : ils n’ont pas le droit de vote, la justice est cruelle envers eux car elle est payante et le salaire des juges est versé par la partie qui gagne le procès… En conséquence, les pauvres sont plus souvent pendus que les riches ! Les aspirations sociales qui s’étaient exprimées pendant la 1ère Révolution (1642-1651), notamment à travers le mouvement puritain des « Niveleurs », sont écrasées : la « Glorieuse Révolution » marque le triomphe des propriétaires, qu’ils soient bourgeois des villes, gentry des campagnes ou grands seigneurs à la Cour.
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La « Glorieuse Révolution » (1688-1689) permet la synthèse des expériences politiques du XVIIe siècle en Angleterre et la mise en place d’un des régimes les plus libéraux d’Occident : les classes pauvres et les minorités (Irlandais, Catholiques) sont cependant les grands laissés pour compte de ce modèle de société.
© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2020)
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