1ère – GÉOGRAPHIE (8), Multifonctionnalité et fragmentation des espaces ruraux dans le monde.
Si on assiste à une diversification des modèles agricoles, de plus en plus les fonctions non-agricoles s’affirment au sein du monde rural. L’artificialisation des sols par l’étalement urbain et ses phénomène induits (Centres commerciaux, parcs de loisirs, infrastructures de transport…) entraîne partout dans le monde une réduction des terres agricoles sauf dans les espaces qui obéissent à une logique de front pionnier. Dans les Pays Anciennement Industrialisés (PAI), la superficie des terres agricoles se réduit de 5% par an en moyenne. La petite industrie de transformation, les espaces dédiés au tourisme, l’extension des zones de réserves naturelles concurrencent l’activité agricole dans le monde rural. Les acteurs ruraux sont de plus en plus étrangers au monde agricole. Les agricultures les plus intensives demandent moins de main d’œuvre, accélérant le dépeuplement des campagnes et « la fin des paysans » (Henri MENDRAS, La fin des paysans, 1967). Le Kenya est un exemple particulièrement intéressant pour étudier les transformations à l’œuvre dans les espaces ruraux.
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Le Kenya, comme beaucoup de pays émergents à faibles revenus, voit se côtoyer deux types d’agriculture : une agriculture traditionnelle, ici orientée vers l’agriculture vivrière dans la moitié sud-ouest du pays et l’élevage extensif de type transhumant dans la partie Nord, et une agriculture commerciale intégrée à l’agro-business mondial spécialisée dans les cultures d’exportation, et notamment l’horticulture et le commerce des roses.
L’agriculture traditionnelle est le plus souvent familiale et pauvre : les moyens sont rudimentaires, le travail manuel est effectué avec les outils ancestraux comme la houe. Les familles cultivent la pomme de terre, le manioc, le riz, le sorgho, le maïs comme très souvent en Afrique subsaharienne. C’est cette agriculture qui emploie l’essentiel de la main d’œuvre du pays puisqu’au Kenya 75% de la population active est paysanne.
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Mais les 50% de la valeur des exportations et les 36% du PIB réalisés par l’agriculture sont réalisés par l’autre type d’agriculture présent au Kenya : l’agriculture commerciale. Trois grandes régions concentrent l’essentiel de l’agriculture commerciale kenyane : c’est d’abord autour du littoral kenyan de l’Océan indien où se concentrent les cultures de palmiers et de cocotiers, autour du centre commercial historique de Malindi et celui très moderne de Mombasa, la gateway du Kenya et dans une large mesure de l’Afrique des Grands Lacs (Ouganda, Rwanda, Burundi, Malawi). La deuxième grande région de concentration des cultures commerciales est la métropole de Nairobi : le lac Naivasha fournit l’eau, la proximité de la capitale politique du pays apporte la densité des routes et la proximité d’un marché urbain riche et mondialisé, la possibilité d’exporter vers le Reste Du Monde (RDM). Le café, le thé et le coton sont localisés sur les rives du lac Victoria, une région de moyenne montagne anciennement peuplée et richement dotée en routes, par ailleurs urbanisée, ce qui fournit à la fois les producteurs et les premiers transformateurs de ces produits, voire les premiers consommateurs. L’horticulture des roses n’a rien à envier à l’agro-business des pays de la Triade : serres, transport express vers les entrepôts de conditionnement et expédition dans les trois jours vers les marchés aux fleurs du monde entier, dont le plus ancien et le plus connu d’entre eux, le marché aux fleurs de Rotterdam aux Pays-Bas. Outre les raisons bioclimatiques (Altitude, climat, nature des sols) qui expliquent aussi la localisation des régions de cultures commerciales, ce sont les infrastructures de transport à toutes les échelles (Pistes, routes, ports, aéroports) qui permettent de comprendre le mieux la localisation de cultures d’exportation. Cette réussite est fragile : les roses d’Éthiopie, moins chères (car la main d’œuvre éthiopienne est plus pauvre que la main d’œuvre kenyane mais aussi parce que l’Éthiopie via Djibouti est plus proche des marchés européens), sont de redoutables concurrentes pour les roses kenyanes. Le Kenya, comme beaucoup de pays à l’orientation agricole forte, est aussi soumis aux caprices de la nature : la terrible invasion de sauterelles (2019-2020) a ruiné les producteurs en dépit des efforts de titans déployés par le gouvernement fédéral.
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Le pastoralisme transhumant s’est drastiquement réduit depuis que le tourisme accapare les terres (Parcs et Aires Protégées). Les populations Masai se sont tournées vers l’agriculture vivrière mais également sur une nouvelle activité génératrice de revenus : l’écotourisme. Ils se parent de tous les atours du noble guerrier de la savane, font visiter leurs maisons aux murs faits de bouse de vaches et vendent des souvenirs fabriqués à la main. Vanessa WINJNGAARDEN, anthropologue, décrit très bien dans ses travaux le contact entre touristes occidentaux et Masai.
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L’exemple du monde du Kenya nous montre que différentes fonctions coexistent dans les espaces ruraux, ce qui peut entraîner des conflits d’usages.
© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2020)
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