Tale – HISTOIRE (34), Les nouvelles formes de conflit : terrorisme, conflits asymétriques et renouvellement de l’affrontement des puissances
La fin progressive de la « Guerre froide » (1947-1991), marquée par l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl GORBATCHEV (1985), la fin de la guerre d’Afghanistan (1979-1988), la chute du Mur de Berlin (1989) et la réunification des deux Allemagne (1990) laisse place à de nouveaux rapports de forces dont les logiques sont encore incertaines. Aux deux supergrands (États-Unis d’Amérique et Union des Républiques Socialistes Soviétiques, URSS) qui s’affrontaient par alliés interposés succède une multitude de conflits d’intensités variables mais dont le point commun est de réactiver les mots d’ordre ethnique (Ex-Yougoslavie, Rwanda 1994), religieux (Sud-Soudan, Balkans) et nationalistes (Côte d’Ivoire, Tchétchénie) et non plus idéologiques (Capitalisme contre communisme, démocratie libérale contre dictature du prolétariat). Nous verrons à travers trois études (Un conflit, la guerre du Golfe 1990-1991 ; un lieu, Sarajevo, 1990-1995 et un événement, les attentats du 11 septembre 2001) comment les formes et les territoires des conflictualités actuelles permettent de parler de « nouvelles conflictualités ».
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Le 2 août 1990 l’armée irakienne envahit le Koweït (8% des réserves mondiales de pétrole). Les tensions entre l’Irak et ses voisins s’étaient envenimées depuis la fin de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Le leader irakien en envahissant le Koweït espérait rallier à lui tous les mécontents des régimes dictatoriaux du golfe arabo-persique. Dans sa riposte, l’Organisation des Nations Unies (ONU) vit le moyen d’unir la communauté internationale autour d’une cause consensuelle (Le respect de la souveraineté des États) et les États-Unis purent réaffirmer à leurs alliés du golfe la solidité de leur alliance stratégique (Pétrole contre protection militaire et diplomatique). Le 2 août 1990 le Conseil de sécurité des Nations Unies avait voté la résolution 660 intimant à l’Irak l’ordre de libérer le Koweït. Le 29 novembre 1990 le Conseil de sécurité votait la résolution 678 fixant au 15 janvier 1991 l’ultimatum avant le déclenchement des opérations militaires. Derrière les 500,000 hommes acheminés par les États-Unis, l’ONU avait rassemblé une coalition de 34 pays portant la force des casques bleus à plus de 900,000 soldats, près de 2,000 chars et blindés, et plus de 1,700 avions de combat. Cette immense armada onusienne frappa l’armée irakienne le 17 janvier 1991. Le 3 mars 1991 le territoire du Koweït était libéré et sécurisé par la mise en place au Sud de l’Irak d’une zone d’exclusion aérienne et militaire. Les pertes de la coalition étaient minimes (Moins de 300 tués) mais l’armée irakienne en grave infériorité numérique et technologique perdait près de 150,000 tués. C’était la 1ère fois depuis la guerre de Corée (1950-1953), quarante ans auparavant, que l’ONU intervenait dans une action de guerre. L’alliance entre l’URSS et les États-Unis dans une question relevant de la traditionnelle zone d’influence américaine manifestait clairement le rapprochement américano-soviétique. Elle montrait aussi la fin de la Guerre froide (1947-1991) et le retour sur le devant de la scène des Nations Unies. Car cette guerre fut aussi une scène médiatique. Les armées, depuis la guerre du Vietnam (1962-1975), avaient considérablement étoffé leurs techniques de communication. On a vanté, avec le concours des médias, la « guerre propre » rendue soi-disant possible par une débauche d’armes technologiques, dont les armes à guidée laser, permettant les « frappes chirurgicales », ciblant les objectifs militaires sans meurtrir les populations civiles. SADDAM HUSSEIN eu recours aussi à l’arme médiatique : il appela les musulmans du monde entier à s’unir dans la guerre sainte pour repousser les infidèles. Si cet appel n’eu dans l’immédiat que peu d’échos (sauf auprès des Palestiniens) il annonçait déjà « la revanche de Dieu » (Samuel HUNTINGTON, « The Clash of civilizations », Foreign policy, 1994 et 1996). Les conséquences de ce conflit sont nombreuses. Georges Herbert BUSH, président des États-Unis d’Amérique (1988-1992), y voit « apparaître un nouveau monde […] où l’ONU, libérée de l’impasse de la Guerre froide, est prête à accomplir le projet historique de ses fondateurs […] dans lequel la liberté et le respect des droits de l’homme sont défendus par les nations […] » (Discours devant le Congrès, 6 mars 1991). L’idée d’une sécurité collective (Opération Restore Hope, Somalie, 1991-1993) garante des droits de l’homme et des peuples (Accords d’Oslo-Washington, 1992 entre Israël et l’OLP de Yasser ARAFAT) prend corps, promettant un « nouvel ordre mondial » fondé sur le multilatéralisme.
La fin de la « Guerre du Golfe » (1990-1991) avait fait courir sur le monde un vent d’euphorie. L’ONU parvenait dans la foulée à dénouer de grandes crises : indépendance de la Namibie (1990), libération de Nelson MANDELA (1990) et fin de l’Apartheid en Afrique du Sud (1993), promesse de la création d’un État palestinien (6 mars 1991), reconnaissance mutuelle d’Israël et de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) de Yasser ARAFAT suite aux Accords d’Oslo-Washington (1992). Pourtant, insensiblement les zones de conflits se multiplient dans le monde. L’opération Restore Hope en Somalie est un échec (1993), le Rwanda est secoué par un génocide contre les Tutsis (1994). A chaque fois la communauté internationale a été inefficace. Bill CLINTON (1992-2000) hérite de l’échec de Restore Hope et retire les troupes américaines des opérations de maintien de la paix. Désormais la formidable puissance militaire américaine sera mise au service de la paix mondiale après que les organisations régionales d’États (Union Africaine, UA, en Somalie par exemple) seront intervenues. La sécurité collective se régionalise. C’est dans ce contexte de grandes recompositions géopolitique que se déroule la guerre en Yougoslavie. Lors des « révolutions de velours » (1989-1991), qui voient les peuples européens se soulever contre les régimes communistes, les différents peuples qui constituent la Yougoslavie prennent leur indépendance (Bosnie, 1992). Belgrade ne souhaite pas voir se rééditer sur son sol la désagrégation de l’URSS (25 décembre 1991) et réplique aux proclamations indépendances par la répression. Si la Croatie et la Slovénie largement appuyées par l’Union Européenne (UE) s’émancipent rapidement, la Bosnie entre dans une guerre de purification ethnique imposée par Belgrade. Les Serbes de Bosnie (44% de la population de Bosnie-Herzégovine), emmenés par leur président autoproclamé, Radovan KARADZIC et le général Radko MLADIC, soutenus par le président de la Fédération Slobodan MILOSEVIC, mènent une guerre de massacres et de viols. Lors de la chute de Srebrenica les 12,000 hommes et enfants masculins sont exécutés, les femmes déportées. C’est le « nettoyage ethnique ». À Sarajevo (12,000 civils tués), capitale historique de la Bosnie-Herzégovine, les tirs de snipers et les bombardements aveugles visent tous particulièrement les civils. Les forces de l’ONU des « casques bleus » sont inopérantes. L’UE est incapable de mettre sur pied une force d’intervention. La sécurité collective est en faillite en Europe même. Les États-Unis s’engagent donc, par le biais de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). La Force Internationale (IFOR) de l’OTAN bombarde les positions serbes. Bill CLINTON (1995, Accords de Dayton) impose l’indépendance d’une fédération de Bosnie-Herzégovine composée d’une République serbe de Bosnie et d’une République fédérale croato-bosniaque. Une force de stabilisation en Bosnie (OTAN-SFOR) veille au maintien des accords. Sarajevo est devenue l’incarnation des nouvelles conflictualités : guerre civile, aux fondements identitaires et aux mots d’ordre religieux, caractérisée par des massacres délibérés contre les civils devenus armes de guerre et enjeux du conflit.
L’ordre mondial espéré par Georges Herbert BUSH (1988-1992) fondé sur les droits de l’homme, garanti par l’ONU, à laquelle les États-Unis apportaient leur concours s’était mué en une sécurité collective régionale, qui paraissait plus faible. Mais les États-Unis participaient encore à la sécurité collective. Les attentats du 11 septembre 2001, qui frappèrent le World Trade Center et le Pentagone et firent près de 3,000 victimes, balayèrent les derniers espoirs d’un monde régit par le multilatéralisme. L’administration de Georges Walker BUSH (2000-2008) fut prompte à mettre sur le compte d’Al-Qaïda, fondée par Oussama BEN LADEN (1987), ces attentats. Les États-Unis déclarèrent « la guerre contre le terrorisme », affirmant « […] Ce sera un combat exceptionnel du Bien contre le Mal et le Bien l’emportera […] » (Allocution du président des États-Unis G. W. BUSH, 12 septembre 2001). Le Congrès apporta à l’administration fédérale des pouvoirs exorbitants (PATRIOT ACT). Les Rogue States (États voyous) comme le Soudan d’Omar EL-BECHIR ou l’IRAK de SADDAM HUSSEIN s’ajoutèrent à la liste des États finançant et accueillant le terrorisme mondial. Si la communauté internationale accompagna les États-Unis dans leur volonté de frapper le régime dictatorial des Talibans (2001) elle fut réticente à accepter une intervention en Irak (Mars 2003) et l’hyper-puissance américaine du s’y engager seule. La rhétorique manichéenne des États-Unis, la déformation caricaturale du Choc des civilisations de HUNTINGTON (1994) et le vocabulaire renvoyant aux croisades du XIIe siècle choquèrent le monde arabo-musulman et nombre d’alliés (France, Allemagne, Fédération de Russie) pourtant eux aussi touchés par le terrorisme islamiste des intégristes. Les États-Unis s’étaient extraits de l’idée de sécurité collective qu’ils avaient promue 10 ans auparavant. Le monde eu peur d’un terrorisme globalisé, disséminé dans le monde entier (Attentats à Bali en Indonésie en 2002, à Madrid 2004, Londres 2005), utilisant les ressources des nouvelles technologies comme l’Internet pour transférer ses fonds (Au demeurant modestes les attentats du 11 septembre 2001 ayant coûté 500,000$ au maximum). Cette « guerre asymétrique » est inquiétante : le soutien d’une partie de la jeunesse des pays musulmans aux thèses d’Al-Qaïda questionne le soutien intéressé (et peu respectueux des droits de l’homme) que les démocraties libérales occidentales apporte aux régimes corrompus et dictatoriaux des monarchies du Golfe arabo-persique. C’est la thèse du film Le Royaume (Peter BERG, 2007) par exemple. C’était celle de Samuel HUNTINGTON. L’Occident n’a-t-il pas secrété lui-même, par ses alliances, la détestation dont il est l’objet ?
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Les nouvelles conflictualités couvrent l’ensemble de l’espace mondial sans notion de « zone d’influence » (Les États-Unis frappés sur leur propre sol le 11 septembre 2001). Elles se caractérisent souvent par une intervention des États dans des forces multinationales de maintien de paix (Guerre du Golfe, Ex-Yougoslavie) engagées dans des conflits basse intensité et diffus (guerres civiles en ex-Yougoslavie, attentats du 11 septembre 2001) dans lesquels les thématiques nationalistes et religieuses sont des moteurs forts (Ex-Yougoslavie, Attentats du 11 septembre 2001). La mise en place d’une Cour Pénale Internationale (2002, CPI) montre cependant que la volonté des États de bâtir un monde organisé autour du droit reste vivace, en dépits des vicissitudes géopolitiques.
© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2020)
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