« J’ai possédé une ferme en Afrique. »
Kamante et Lulu
J’ai possédé une ferme en Afrique, au pied du Ngong. La ligne de l’Équateur passait par les montagnes à vingt cinq milles au nord. Mais ma ferme se trouvait à deux mille mètres d’altitude. En milieu de journée, on avait la sensation d’être tout près du soleil, cependant, les après-midi et les soirées étaient claires et fraiches, et les nuits froides.
La latitude et l’altitude s’alliaient pour former un paysage qui n’a pas son égal sur la Terre entière. Il était austère aux lignes allongées, sans opulence aucune, sans l’exubérance de couleur et de végétation des plaines tropicales. Ici, les teintes étaient sèches et brûlées comme celles des poteries. Le feuillage était aussi léger que mince, il ne s’élevait point comme le dôme des arbres d’Europe, mais s’étageait plutôt en larges couches horizontales et paraboliques. Cette structure particulière conférait aux arbres isolés une silhouette ailée et palmée, ou le port héroïque et romantique d’un trois-mâts aux voiles carguées. Les vastes orées des forêts avaient donc une allure étrange, comme si un frémissement les parcourait d’un bout à l’autre. De vieilles aubépines rabougries poussaient çà et là dans les plaines dont l’herbe fleurait le thym et le bois-sent-bon ; l’odeur était parfois si forte qu’elle piquait les narines. Les fleurs, que l’on trouvait dans la plaine ou sur les lianes des forêts virginales, étaient aussi minuscules que celles de nos dunes, toutefois, au début de la longue saison des pluies, il surgissait maintes variétés de grands lis lourds et odorants. Et leur présence s’étendait à perte de vue. Tout, dans cette nature, tendait vers la majesté, la liberté et la noblesse. […] »
BLIXEN (Karen), Une ferme africaine. , 1937, Copenhague, traduit du Danois par Alain GNAEDIG pour le compte des éditions Gallimard en 2005.
ISBN 978-2-07-042512-9