2de – HISTOIRE – (9 bis) Sociétés et cultures urbaines dans l’Europe féodale, XIe – XIIIe siècles.
Le dynamisme économique exceptionnel que connaît l’Europe du XIe au XIIIe siècle (La « 1ère Renaissance ») entraîne l’extension et le renforcement des villes : il s’y construit une culture métisse entre modernité et féodalité.
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La société urbaine ne constitue pas un monde hermétiquement fermé, mais elle constitue de plus en plus un monde à part au sein duquel différentes sociabilités s’élaborent et se confrontent. Groupée autour du palais comtal ou épiscopal, la ville médiévale mêle encore la campagne et le bâti urbain : bouchers, moines et bourgeois possèdent au sein des murailles remontées, rehaussées et modernisées depuis l’an Mil des champs, des jardins et des vignes. Dans les ruelles jonchées de déjections et de détritus animaux ou végétaux, chiens et cochons se disputent les restes. Pourtant l’enceinte fortifiée, et parfois accompagnée d’une forteresse royale, marque l’entrée dans la société urbaine. Les propriétaires qui y résident officiellement sont les « bourgeois ». Quelque soit sa population et sa superficie, tout habitat ceint d’une muraille est une ville (un « bourg ») au Moyen-âge. Le pouvoir de la ville s’étend judiciairement une lieue autour de ses remparts (La « banlieue ») : des maisons sont accolées aux murailles, et ces amas de maisons forment les « faubourgs ». Parfois un seigneur ordonne la construction ex-nihilo d’une « ville neuve », comme la bastide de Montpazier fondée par le roi Édouard Ier Plantagenêt d’Angleterre. L’urbanisme inspiré des villes romaines y est pensé et ordonné : sinon la ville médiévale est un lacis de ruelles étroites, obscurcies par l’encorbellement des maisons de bois et de torchis. Des places seigneuriales et des parvis d’églises et de cathédrales aèrent un peu cette ville où même les ponts sont habités et occupés par les artisans et les commerçants. Dans les rues, portefaix et domestiques croisent les hommes du guet (La police) et les voleurs : les prostituées ont pignon sur rue. Les métiers salissants (bouchers) et impurs (tanneurs, banquiers) ont leur quartier réservé. Si les habitants vivent mélangés autour de l’église du quartier, les hiérarchies sociales sont marquées par les tenues spécifiques à chaque corps : les magistrats en rouge, les clercs en soutanes, les bourgeois en noir. Chaque profession est regroupée en confrérie et dispose de ses valeurs et de ses codes, y compris les voleurs et les mendiants (« Cour des miracles) et les prostituées. Au sommet, l’Église qui marque son emprise par des monuments somptueux (Cathédrales) et des processions : elle rythme aussi le temps, et impose des jours fériés (près de 200 par an) et interdit le travail le dimanche, jour du seigneur.
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« L’air de la ville rend libre » dit un proverbe allemand. Rien n’est plus vrai pour décrire la culture urbaine médiévale marquée par un désir d’autonomie politique des élites bourgeoises, même si d’autres cultures naissent ou résistent en son sein. Hiérarchisée, la société urbaine est donc d’abord une constellation de sociétés agglomérées dans le champ clos des murailles. Différentes cultures s’y côtoient donc. Celle de l’Église d’abord qui encadre la vie des Chrétiens de la naissance et la mort, et gère les grands cimetières accolés à ses églises paroissiales. Les ordres mendiants assurent la charité et gèrent des hospices et des hôpitaux. Face à elle, l’Université (Oxford, Cambridge, Paris…), qui ne dépend que du Pape, et qui constitue une culture de libre pensée encadrée mais dynamique : on y enseigne Aristote alors qu’il y est interdit par la papauté. Les artisans, orfèvres ou forgerons, taverniers, tailleurs ou tisserands, meuniers, et les commerçants se retrouvent sur les « halles », places de marché. Les petits ouvriers se regroupent sur les berges des fleuves (Les grèves) pour chercher du travail : la cherté du pain, la haine des Juifs, les rumeurs ou la misère jettent facilement ces pauvres dans les émeutes sanglantes que le guet réprime durement. Le roi joue du désir d’émancipation des commerçants vis-à-vis du seigneur et de l’évêque en donnant des « libertés » aux villes (les « bonnes villes ») : quand elles obtiennent un rattachement direct à l’autorité du roi ou de l’empereur en acquérant l’autonomie politique elles deviennent des « villes franches » ou des « villes libres ». Elles sont alors gérées par les élites marchandes et financières. Car les villes européennes sont insérées dans de grandes routes commerciales qui vont de Bruges en Flandres aux villes italiennes. Les « foires » sont des rendez-vous internationaux où les capitaux étrangers circulent grâce aux innovations financières comme la « lettre de change ». Les confréries bourgeoises construisent des hôtels de ville ou des palais communaux pour marquer leur emprise sur la ville : tours et beffrois ornés d’horloges et de carillons symbolisent cette nouvelle puissance. Les archives communales, les chartes d’émancipation et le sceau de la ville sont gardés dans ces édifices municipaux. Les grands bourgeois deviennent une force politique, libre dans ses murailles mais insérée dans le réseau de la féodalité européenne.
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Une culture d’autonomie politique permet aux villes médiévales de s’extraire progressivement de la féodalité. La ville médiévale est marquée par la domination des élites financières qui annonce la Renaissance. © Erwan BERTHO (2018)
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