2de – HISTOIRE (8 bis), L’expansion européenne dans le monde (XVe – XVIe siècles) : résistances.
L’expansion européenne ne paraît irrésistible que vue de loin : à y regarder de près il n’y ni aveuglement ni exceptionnalisme. La conquête européenne se heurte à des résistances fortes. Les Européens sont-ils les maîtres du monde au XVIe siècle, après deux siècles d’expansion ?
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La conquête européenne des XVe et XVIe siècles se heurte à des résistances fortes et souvent victorieuses qui cantonnent les Européens aux abords des circuits commerciaux qu’ils convoitent. La rapidité de la conquête en Amérique s’explique par le choc bactérien mais aussi par la fragilisation des sociétés locales : une « peste », une crise économique et le soulèvement des nations opprimées permettent à CORTÈS (1519) et PIZARRE (1530) de s’emparer de sociétés déjà fracturées. En Afrique et en Asie c’est le contraire. Les royaumes côtiers africains sont en plein essor, que ce soit Ijebu et ses murailles monumentales (180 km de long définissant une aire de plus de 1 000 km²) ou Bénin-City, les royaumes africains du Golfe de Guinée obligent les Portugais puis les Espagnols a se retrancher dans des forts isolés situés sur des îles (São Tome et Principe) ou sur des péninsules (São Jorge da Mina, 1481). Et encore, ces forts sont-ils la cible d’attaques : le fort danois de Christiansburg (Accra), pris d’assaut par les Akwamu (1680), et est ensuite revendu … aux Danois. Tandis que le fort hollandais de Ruychaver est soufflé par l’explosion volontaire (1659) de ses réserves de poudre ordonné par le gouverneur de la place assiégée. Parfois les Européens sont assignés sur leurs navires, et les piroguiers assurent le monopole des échanges commerciaux. En Asie, les Européens sont cantonnés à des comptoirs (Macao, Nagasaki) où ils sont en compétition avec les commerçants locaux : après la fermeture de la Chine (Dynastie Ming, 1433) ils sont même contraints à la contrebande aux côtés des pirates malais et taïwanais pour accéder aux marchandises chinoises. En Amérique du Nord les empires nomades des plaines, dont les Comanches, satellisent les présides espagnols, les indiens séminoles interdisent la conquête de la Floride, les Hollandais sont cantonnés sur la presqu’île de Manhattan (1625).
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La conquête européenne des XVe et XVIe siècles ne déroule pas dans l’indifférence des savants et des princes européens : curieux, les hommes de Lettres engagés dans leur siècle s’étonnent puis s’indignent des traitements faits aux populations rencontrées. Les remises en question sont fréquentes. La plus célèbres de ces remises en question est la controverse de Valladolid (1550-1552) : elle réunit, sous la double houlette du Pape et de l’empereur CHARLES QUINT, une assemblée de théologiens qui écoutent les arguments de Luis Ginès DE SEPÚLVEDA, docteur en théologie de l’université de Salamanque, auteur Des causes d’une Juste Guerre Contre les Indiens (1544), et Bartolomé de LAS CASAS, évêque du Chiapas (Mexique) horrifié par le massacre des Amérindiens. Derrière les intérêts théologiques (Faut-il christianiser les Indiens par la force ?) et les intérêts économiques (Qui faire travailler comme esclaves dans les mines d’or et d’argent, ou les exploitations agricoles des colons ?) se joue aussi une nouvelle vision du monde. D’une part, Bartolomé de LAS CASAS défend un humanisme chrétien appelé à se généraliser chez les philosophes avec MONTAIGNE (Les Essais, 1572 « […] j’admets en nous plus facilement la différence que la ressemblance […] ») ou Tommaso CAMPANELLA (« […] En Amérique aussi l’on trouva de la poésie, bien qu’elle fut d’un mètre différent […] », Poetica, 1591). Cet humanisme impose une « commune humanité » à tous les hommes, des temps anciens ou d’ailleurs, avec les contemporains (MACHIAVEL, Discours sur la 1ère décade de Tite-Live, 1531). D’autre par, la couronne espagnole qui peine à se faire obéir de ses sujets d’Amérique : en 1526, en 1537 et en 1542 elle avait déjà interdit l’esclavage des Amérindiens. Valladolid marque donc aussi l’affirmation de l’État moderne. Valladolid entraîne aussi une hausse spectaculaire de la déportation des Africains vers les Caraïbes et les Amériques : LAS CASAS dans son Historia de las Indias avait pourtant condamné cette traite.
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La conquête américaine aurait pu être l’arbre qui cache la forêt, si le continent américain avait lui-même été conquis au XVIe siècle. Mais Portugais et Espagnols ne sont alors cantonnés qu’aux littoraux américains. En Afrique, les Européens sont calfeutrés dans des forts côtiers. En Asie ils sont subordonnés aux règles d’un commerce régional qui les dépasse. Excepté Manille (Où la population chinoise est plus nombreuse que les Espagnols), il n’y a pas de conquête coloniale en Asie ni en Afrique : le temps de l’expansion européenne n’est pas encore venu.
© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2019)
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