Tale – HISTOIRE (22), La Révolution islamique en Iran (1979) et le rejet du monde occidental 

Tale – HISTOIRE (22), La Révolution islamique en Iran (1979) et le rejet du monde occidental 

En 1979 les mollahs (clercs chiites) iraniens s’imposent comme les leaders d’une révolte populaire contre le chah (empereur) et instaurent une République islamique. Dans quelles mesures la Révolution islamique en Iran est emblématique des années 1970, une décennie marquée par une remise en cause des principes et des pratiques politiques antérieures et de modification des grands équilibres géopolitiques ?

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Tout d’abord, il faut replacer la Révolution islamique dans la longue durée des relations entre les iraniens et le monde occidental. La Perse est un empire puissant pendant l’Antiquité : Cyrus (559 avant J.C. – 530 avant J.C.) occupe Jérusalem, Xerxès (519 avant J.C. – 465 avant J.C.) traverse le détroit du Bosphore et se heurte aux cités grecques. Cet empire devient le symbole d’un orient despotique et barbare. La Perse, à la manière de l’Empire Ottoman, a souffert de l’impérialisme triomphant des puissances européennes à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle. Sa souveraineté et son indépendance ont été plusieurs fois remises en question. En 1890 la société britannique Imperial Tobacco Corporation acquiert auprès du chah une concession et obtient le droit exclusif de commercialisation du tabac pendant 50 ans. La colère de la rue est attisée par les religieux qui, déjà, mènent la protestation. La mobilisation populaire a obligé le souverain iranien à racheter la concession. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Perse a été envahie par les Britanniques et par les Russes. En 1951, Mohammad Mossadegh, ministre du pétrole du chah Mohammad Reza (dynastie Pahlavi) décide la nationalisation du pétrole iranien dont une société britannique détient le monopole depuis 1901. L’aura de Mossadegh éclipse le chah qui finit par s’enfuir. En 1953, les services secrets américains rétablissent l’empereur sur le trône. Mossadegh est assassiné en 1967.

La Révolution islamique fut un moment décisif dans l’histoire politique de l’Iran contemporain. Les abus du pouvoir impérial ont toujours fait réagir les iraniens. En 1905, une première révolution dite « constitutionnaliste » mis fin au pouvoir despotiques des souverains de la dynastie Qadjar et dota l’Iran d’un parlement. L’expérience pris fin en 1911 avec le retour des souverains Qadjar. Dans les années 1960, les commerçants, les intellectuels et les religieux critiquent ouvertement les abus de la famille impériale, le blocage des institutions et les crimes de la Savak, la police politique. Enfin, il faut replacer cet évènement dans l’histoire contemporaine de l’islam politique. Cette expression désigne les projets visant à faire de l’Islam le fondement de l’Etat (institutions, lois…). On assiste à la multiplication des confréries et des sociétés secrètes à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle (organisation des Frères musulmans fondée en Egypte en 1928). Dans l’Iran chiite l’idéologie islamiste est portée par le clergé. Après la Première Guerre mondiale, dans la foulée de la décolonisation et de la création de nouveaux États au Moyen-Orient, les islamistes échouent partout face aux nationalistes (arabes et turcs). En Iran, dans les années 1960, l’ayatollah Khomeyni multiplie les discours enflammés contre le chah et son allié américain. Arrêté par la Savak, il est contraint à l’exil. Il vit d’abord en Irak puis rejoint Neauphle-le-Château (Yvelines) en France. C’est un coup dur pour les partisans iraniens de l’islam politique.

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La hausse du prix du pétrole à partir de 1973 a entraîné l’enrichissement rapide de l’Iran : programmes immobiliers démentiels et afflux d’étrangers dans les grandes villes. Les conditions de vie en ville se sont dégradées, notamment pour les plus pauvres (prix des logements, embouteillages, coupures d’électricité). Selon Y. Richard, « un prolétariat suburbain s’est développé, qui vivait dans des conditions misérables, sans aucun programme social pour l’aider, et sans aucun urbanisme pour calmer les tensions et le mécontentement. Seul le clergé, par le réseau des mosquées, gardait le contrôle de cette population déboussolée ». En 1977 débute un mouvement de grèves et de manifestations pour une libéralisation politique. La présence d’un parti communiste fort et bien enraciné (Toudeh), malgré la répression, et d’une constellation de mouvements d’extrême-gauche prônant et pratiquant la lutte armée (Fedayin du peuple) mettait la gauche iranienne au centre du mouvement révolutionnaire. Elle s’inscrivait alors dans la vague des mouvements anti-impérialistes qui secouaient le Moyen-Orient (le Nasserisme en Egypte, le Baasisme en Irak et en Syrie, le FLN yéménite, le Destour tunisien, le Parti communiste soudanais…). L’islam n’apparaissait donc pas comme une force politique majeure, tout au plus un élément mobilisateur d’appoint pour rallier les secteurs les plus traditionnels de la population. A la fin de l’été 1978 d’immenses cortèges traversent Téhéran. Les manifestants brandissent des portraits de Mossadegh. Les militants de gauche déclarent la grève générale et affrontent l’armée. La violence culmine le 8 septembre 1978 (« vendredi noir »). En décembre 1978, le chah nomme un de ses opposants historiques, Shapour Bakhtiar, comme Premier ministre. Sa condition pour accepter le poste était que le Shah se retire. Le Shah a accepté de partir et a quitté le pouvoir – et le pays – le 16 janvier 1979. Dans tout l’Iran, cet événement a provoqué des explosions de joie.

Le 1er février 1979 un avion de la compagnie Air France atterrit à Téhéran avec à son bord l’ayatollah Khomeyni. Des milliers d’Iraniens se précipitent dans les rues pour apercevoir le visage du leader de la révolte. Les mollah prennent le contrôle du pays, c’est la deuxième étape de la Révolution iranienne. En avril, Khomeyni proclame la République islamique d’Iran. Les relations avec Israël sont immédiatement rompues. Les femmes ont l’obligation de porter le tchador. Les banques, les compagnies d’assurance et la plupart des entreprises sont nationalisées. Entre novembre 1979 et janvier 1981, des employés de l’ambassade des États-Unis à Téhéran sont pris en otage. Cette crise a provoqué une rupture durable des relations entre la République islamique d’Iran et les États-Unis.

Les clercs se retournent contre les militants de gauche qui ont été essentiels lors de la révolution. Le conflit contre l’Irak majoritairement chiite mais dirigée par le sunnite Saddam Hussein (1980-1988, entre 500 000 et 1,2 millions de morts) a contribué à la consolidation du régime (renforcement de l’aura de Khomeyni et du pouvoir des clercs, toute puissance des gardiens de la révolution).

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Il faut relativiser la place du rejet du modèle occidental dans le processus ayant donné naissance à la République islamique d’Iran. Ce pays est né à la fin des années 1970 au moment d’une synthèse de courte durée entre les idéaux tiers-mondistes de la gauche iranienne et le projet islamiste défendu par le clergé chiite. Clercs et laïcs ont réussi à balayer un régime impérial détesté.

Le rejet des États-Unis a été dépassé au moment de la présidence Obama (accords signés le 14 juillet 2015). L’assassinat de Ghassem Soleimani, général commandant la force Al-Qods du corps des Gardiens de la révolution, en janvier 2020 lors d’un raid mené par l’armée américaine à Bagdad a ranimé l’antiaméricanisme iranien. Il s’inscrit dans l’histoire des relations entre l’Iran et les États-Unis (renversement et assassinat de Mossadegh, soutien du chah) et n’est pas synonyme de rejet du modèle occidental.

Sources :

Travaux de Yann RICHARD, spécialiste français de l’Iran et notamment l’article « La révolution iranienne de 1979 : un bouleversement régional majeur aux conséquences toujours actuelles » disponible en ligne https://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Yann-Richard-La-revolution-iranienne-de-1979-un-bouleversement.html

© Souleymane ALI YÉRO, Erwan BERTHO & Ronan KOSSOU (2020)

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