« Les eaux amères deviennent douces. »
« […] Certaines nuits, en France, lorsque l’Algérie l’appelait trop, il ouvrait la fenêtre de sa chambre et regardait le ciel. C’était à son immensité illimitée qu’il tentait de la rejoindre. Mais les nuits de France n’avaient pas cette clarté profonde que les étoiles aiguisent, et dont il avait eu la chance quelquefois d’entrevoir la splendeur. Ces fameuses nuits, comme le lui racontait sa mère, dans lesquelles le ciel s’entrouvre, où les « eaux amères deviennent douces, et les champs descendent sur la terre » ; celle que les Arabes nomment leilla le qedr, où « tout ce qu’il y a d’inanimé dans la nature s’incline pour adorer son Créateur »…
Ces nuits-là n’existaient plus désormais, mais il en portait le souvenir farouche et intact. Il savait que seuls avaient pu les voir ceux qui étaient les fils de cette Algérie légendaire, et qu’elles seules avaient donné les forces suffisantes pour continuer et croire.
Et cela jusqu’à ce que le temps, à force d’indifférence et labeur, parvienne enfin à les faire taire. […] »
VIRCONDELET (Alain), Le retour des sources. , 1997, réédité en 1999, aux éditions Gallimard, recueil de nouvelles colligées par Leïla SEBBAR et publiées sous le titre Une enfance algérienne.
ISBN 978-2-07-04727-9