« Solde. »
« […] Solde
Pour Aimé Césaire
J’ai l’impression d’être ridicule
Dans leurs souliers
Dans leur smoking
Dans leur plastron
Dans leur faux-col
Dans leur monocle
Dans leur melon
J’ai l’impression d’être ridicule
Avec mes orteils qui ne sont pas faits
Pour transpirer du matin jusqu’au soir qui déshabille
Avec l’emmaillotage qui m’affaiblit les jambes membres
Et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe
J’ai l’impression d’être ridicule
Avec mon cou en cheminée d’usine
Avec ces maux de têtes qui cessent
Chaque fois que je salue quelqu’un
J’ai l’impression d’être ridicule
Dans leurs salons
Dans leurs manières
Dans leurs courbettes
Dans leur multiple besoin de singerie
J’ai l’impression d’être ridicule
Avec tout ce qu’ils racontent
Jusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midi
Un peu d’eau chaude
Et des gâteaux enrhumés
J’ai l’impression d’être ridicule
Avec les théories qu’ils assaisonnent
Au goût de leurs besoins
De leurs passions
De leurs instincts ouverts la nuit
En forme de paillasson
J’ai l’impression d’être ridicule
Parmi eux complice
Parmi eux souteneur
Parmi eux égorgeurs
Les mains effroyablement rouges
De sang de leur ci-vi-li-sa-tion […] »
DAMAS (Léon-Gontran), Pigments-Névralgies., 1937, Paris, Édition définitive Pigments (1962) Pigments, éditions Présence africaine, réédition de 2003, 168 pages.
ISBN 978-2-7087-0720-7