« Une odeur de cadavre. »
« […] Les Blancs pestent contre la piqûre des moustiques. Celles des « fourous » les irrite. Ils craignent les mouches-maçonnes. Ils ont peur de cette écrevisse de terre qu’est « prakongo », le scorpion, qui vit, noir, annelé et venimeux, parmi les toitures ruineuses, sous la pierraille ou au cœur des décombres.
En un mot, tout les inquiète. Comme si un homme digne de ce nom devait se soucier de tout ce qui vit, rampe ou s’agite autour de lui !
Les blancs, aha ! les blancs … N’affirmait-on pas que leurs pieds n’étaient qu’une infection ? Quelle idée aussi que de les emboîter en des peaux noires, blanches ou couleur de banane mûre ! Et s’il n’y avait encore que leurs pieds à puer ! Lalala, mais tout leur corps transpirait une odeur de cadavre !
On peut admettre, à la rigueur, qu’on protège ses pieds de cuir cousu. On évite ainsi de se les déchirer sur les dures arêtes des plateaux de latérite. Mais se garantir les yeux de verres blancs ou noirs, ou couleur de ciel, par beau temps, ou couleur ventre de gendarme ! Mais se couvrir la tête de petits paniers ou de calebasse d’espèce singulière, Voilà N’Gakoura ! qui tourneboulait l’entendement.
Un brusque mépris haussa ses épaules et, pour le mieux exprimer, il cracha. Aha ! les blancs n’étaient sûrement pas des gens comme tout le monde. […] »
MARAN (René), Batouala. , 1921, Paris, éditions Albin Michel, réédition Magnard / Lycées,, 2002, 205 pages.
ISBN 978-2-2107-5450-8