DEVOIRS & CORRECTIONS COMPOSITION HISTOIRE – Les mémoires de la Guerre d’Algérie

Corrigé élève

COMPOSITION

Histoire et mémoires de la Guerre d’Algérie. 

À l’aide de l’étude de cas vue en classe, vous montrerez comment l’historien a renouvelé la connaissance de la Guerre d’Algérie. 

                               L’histoire de la Guerre d’Algérie (1954-1962) suscite toujours de nombreuses divergences entre les deux États acteurs de cette guerre, la Ve République et l’Algérie. Nous avons pu encore le constater lorsque des militaires algériens ont remonté les Champs Élysées à Paris, le 14 juillet 2014, pour le centenaire de la Première Guerre mondiale (1914-1919). L’apparition de soldats algériens lors d’une commémoration nationale a fait l’objet de contestations, tant en Algérie qu’en France, malgré la volonté des historiens de reconstruire une histoire critique et un tant soit peu commune de cette période tragique.

                Comment l’historien renouvèle-t-il la connaissance de la Guerre d’Algérie de 1962 à aujourd’hui face à un événement aussi traumatique ?

                C’est à cette question que nous tenterons de répondre d’abord en analysant la difficile mise en œuvre d’une histoire critique en France, puis en Algérie.

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                               La mise en œuvre d’une histoire critique de la Guerre d’Algérie ne s’est pas faite en France immédiatement après la fin de la guerre. 

Pour construire une histoire critique et scientifique d’un événement il faut des archives mais également une mémoire, voire des mémoires. Or en France, archives et mémoires sont confisquées pendant au moins une vingtaine d’année. C’est l’histoire officielle qui prévaut. Cette guerre est longtemps demeurée « une guerre sans nom ». On parlait alors pudiquement « des événements » voire de la « pacification ». Mais jamais officiellement de guerre. L’Algérie jusqu’en 1962, c’est trois départements français, et il ne pouvait y avoir de guerre civile au pays des droits de l’homme. La France ne voulait pas écorner son image de pays défenseur des valeurs démocratiques avec cette « guerre sale ». Quatre lois d’amnistie s’échelonnent de 1962 à 1982. La volonté d’oublier, voire d’éradiquer la mémoire en laissant le temps passer, est ainsi manifeste. La France par ailleurs se tourne vers d’autres préoccupations : la croissance économique des « Trente glorieuses » (cf., Jean FOURASTIÉ, Les « Trente glorieuses » ou la révolution silencieuse, 1979, Paris, Fayard), les mémoires et l’histoire de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) tout aussi difficile. La disqualification des groupes porteurs de mémoires (Harkis, Fédération Nationale des Anciens Combattants d’Algérie, FNACA, les « Pieds Noirs », les immigrés algériens…) facilité l’amnésie de la population française. Petit à petit, l’histoire officielle, cependant, laisse place à une histoire critique.

En 1982, l’ouverture des archives sur la Guerre d’Algérie marque le point de départ de l’élaboration par les historiens d’une histoire critique. Des séries de travaux historiques sont mis en œuvres de 1980 à 1991, où Benjamin STORA (La Gangrène et l’oubli), inspecteur général de l’Éducation nationale, s’impose comme le spécialiste français de la Guerre d’Algérie, ou Laurent BECCARIA (Hélie Denoix de Saint-Marc, 1988) qui permet un regard moins caricatural sur les destins brisés des officiers parachutistes d’Algérie. En 1999, les « événements » deviennent enfin officiellement « La guerre d’Algérie et les combats de Tunisie et du Maroc » : les anciens combattants, professionnels ou appelés du contingent, sont ainsi reconnus à l’égal de leurs frères d’armes de 1939-1945. Les témoignages des victimes sont mieux reconnus et mieux entendus : la torture reconnue comme une pratique usuelle permet à certains bourreaux une forme de repentir, comme pour MASSU ou BIGEARD qui demandent pardon aux victimes, même si d’autres s’en glorifient (AUSSARESSES). On assiste alors à une concurrence mémorielle et une surenchère victimaire en France entre les groupes porteurs de mémoires, chacun voulant détenir le monopole de la douleur maximale. Jacques CHIRAC, président de la République (1995-2007), inaugure le Mémorial des victimes de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc. Indiscutablement, le travail des historiens a été facilité par l’ouverture des archives et le renouveau des témoignages, même si ceux-ci sont aussi un élément de brouillage des faits.

                Cependant, en Algérie, le renouvellement de la connaissance critique de la Guerre d’Algérie ne s’est pas fait aussi complètement qu’en France. 

L’histoire critique continue de s’édifier dans un contexte moins favorable qu’en France. Il s’est passé dans un premier temps une « hyper-commémoration mémorielle » orchestrée par l’État algérien. BEN BELLAH, président de l’Algérie depuis 1962, est destitué par un coup d’État militaire en 1965. Depuis l’Algérie est une dictature militaire. Ainsi, l’État algérien est issu des rangs de l’Armée Nationale de Libération (ALN), bras armé et concurrent politique du Front de Libération Nationale (FLN) : dès lors il présente le peuple algérien unis derrière l’ALN dans une « guerre de libération nationale » véritable « révolution nationale », où tout un peuple s’est opposé à la puissance coloniale. L’État passe sous silence les affrontements entre l’ALN et le Mouvement National Algérien (MNA), et les massacres de Harkis et d’Européens dans les derniers mois de la guerre et après la signature des accords de cessez-le-feu, comme il passe sous silence les dissensions entre la branche armée (ALN) et la branche politique (FLN). En Algérie comme en France la période 1962-1982 est donc celle de l’histoire officielle. L’État fait la promotion du rôle de l’ALN dans la guerre, victorieuse, pour l’indépendance afin de légitimer à contrecoup sa dictature. Le monument qui surplombe à El Madania (Sur les hauteurs d’Alger) le musée du Mudjahid rend bien compte de la place accordée à l’ALN dans cette hyper-commémoration mémorielle lors de la célébration (1982) des vingt ans d’indépendance.

Pourtant, malgré la dictature, des tentatives existent pour renouveler la connaissance qu’on a en Algérie de la guerre d’Algérie. C’est le cas de Mohammed HARBI, proche conseiller de BEN BELLAH, ancien du MNA et du FLN, emprisonné par les militaires, puis enfui et réfugié en France et qui publie Le FLN entre mirages et réalités (1980) et Les archives de la révolution algérienne (1982, Paris, aux éditions du Jaguar / Jeune Afrique). La jeunesse naissante, celle qui n’a pas connu la guerre, est demandeuse elle aussi d’une histoire critique et dépendante de l’État. À la fin des années quatre-vingt l’Algérie commence à ouvrir ses archives, même si le travail des historiens pour renouveler les connaissances de la Guerre d’Algérie reste en pratique très difficile à cause de la présence de la dictature.

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                               En 2005, prenant acte des échanges humains et économiques étroits entre les deux pays, fut signé le traité d’amitié entre la France et l’Algérie : dix ans plus tard il n’est ratifié ni en France ni en Algérie. Les blessures demeurent donc. L’absence de démocratie en Algérie a retardé et atténué le travail des historiens pour renouveler les connaissances sur la guerre d’Algérie. En France, après l’amnésie de la période 1962-1982, la cacophonie des mémoires concurrentes complique encore le travail des historiens comme des politiques. Ce qui montre que l’État et l’ensemble de la société sont parties prenantes de la construction de l’histoire. 

© Salamatou MASSOUDOU (2014)

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